Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/205

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— J’t’apporte un colis, dit La Queue à Jaulin… et un vrai colis, tu sais !

— C’est-y l’essence ?

— C’est ton beau-père, mon vieux…

— Le père Michel ?

— Lui-même, en personne… répond La Queue, en ricanant… J’l’ai trouvé au carrefour de Beuzemond, assis sur une borne… Il paraissait bien fatigué. Ma foi, j’l’ai fait monter… Ça vaut un verre, pas vrai ?

— Tiens ! tiens !… le père Michel… murmure Jaulin, qui paraît ennuyé… C’est ma foi vrai…

En effet, un petit vieillard descend avec beaucoup de difficultés de l’intérieur de la voiture. Il semble cassé en deux et tout engourdi sur ses jambes. Il a sa veste de droguet noir, par-dessus sa veste une blouse bleue, toute neuve, qui fait des plis raides et des cassures luisantes. Ses oreilles et son cou sont enveloppés dans une sorte de foulard noir que maintient un chapeau de feutre, à fond plat…

Jaulin l’accueille froidement. Il ne l’a même pas aidé à descendre de la voiture.

— Eh bien, quoi donc ?… C’est vous, père Michel ?… D’où ça que vous venez ?… Du diable, par exemple, si on vous attendait ce matin… Qu’est-ce qu’il y a donc ?

Le vieux est pâle, autant qu’un paysan peut