Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tenait à la main, et qu'il en mangeait, une troisième personne survint, qui, tout effrayée, lui dit : Que mangez-vous donc là ! c'est du poison. Comment, dit Rousseau, du poison ! — Eh oui ! et monsieur que voilà peut vous le dire aussi bien que moi. Pourquoi donc ne m'en a-t-il pas averti ? Mais, reprit le silencieux Dauphinois, c'est que cela paraissait vous faire plaisir. Ce petit événement ne l'avait point corrigé de goûter les plantes qu'il cueillait. Je me souviens qu'au bois de Boulogne, il me montra la filipendule, dont les tubercules sont bonnes à manger; j'en trouvai une qui avait deux racines; je me mis à en goûter, et je lui dis : C'est fort bon, on en pourrait vivre. Au moins, me dit-il, donnez-m'en ma part, et le voilà aussitôt à genoux sur le gazon, et creusant avec son couteau pour en chercher d'autres.

Il était gai, confiant, ouvert, dès qu'il pouvait se livrer à son caractère naturel. Quand je le voyais sombre : À coup sûr, disais-je, il est dans son caractère social, ramenons-le à la nature. Je lui parlais alors de ses premières aventures. Un soir nous étions à la