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Page:Oraison funèbre de très haute et puissante Dame, Madame Justine Pâris, 1884.djvu/26

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Étrangère en ces contrées, la différente façon de combattre les peuples qui les habitaient ne lui parut pas nouvelle.

Flegmatique avec l’Anglais, grave avec l’Espagnol, emportée avec l’Allemand, à la glace avec les gens du Nord, elle se fit toute à tous, comme dit saint Paul, s’offrit partout et triompha de tous.

Elle termina ses voyages par l’Italie : elle fut à Rome, cette reine du monde, ce centre de la paillardise. Là, mes chères filles, sous la pourpre gît la luxure la plus effrénée. Là, de pieux fainéants consacrent leurs loisirs au raffinement des voluptés. Là, des vieillards blanchis sous le harnais de Vénus, semblent ne plus vivre, ne plus respirer que par le plaisir.

Quel champ de gloire à moissonner pour notre compagne ! mais aussi quels travaux ! il lui fallut pratiquer toutes les marches, toutes les contre-marches des Italiens, se mettre en garde contre toutes leurs ruses, faire une guerre d’artifice, d’autant plus pénible qu’elle est plus longue ; enfin se montrer aussi profonde dans l’art des Arétins que l’Éminence la plus consommée.

On ne peut refuser à Justine cette fameuse couronne qu’autrefois les Scipions et les Emiles allaient recevoir au Capitole, et qui depuis a été consacrée aux grands artistes, aux hommes célèbres dans tous les genres.

Il faut l’avouer pourtant : si Justine avait toujours l’avantage, Justine n’était pas toujours invulnérable. Elle revint couverte de lauriers ; mais ces lauriers couvraient des blessures, et si, à vingt-deux ans,