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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/166

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des autres. Coopération et association en un certain sens sont largement synonymes. Coopération indique cependant des œuvres actives, au lieu d’un simple régime d’association passive sous l’empire des lois communes. La coopération est un facteur sans cesse grandissant dans les choses humaines. Elle a tout soumis, dans le domaine des affaires privées et dans celui des affaires publiques nationales. Elle doit tendre maintenant à diminuer les divisions entre États eux-mêmes. Ceux-ci ne représentent nullement les limites de la coopération humaine. Au point de vue sociologique, l’homme n’est pas un organisme complet, car l’homme qui essaie de vivre sans coopération avec les individus de son espèce est voué à la mort ; de même la nation n’est plus un organisme complet et dans l’isolement elle verrait vite sa civilisation s’anéantir. L’organisme complet c’est l’ensemble des nations. Certes, la lutte est bien la condition de la survivance pour l’homme comme pour tout l’univers, mais cette lutte n’est pas celle de l’homme contre l’homme, ce doit être la lutte contre les forces hostiles ou indifférentes de l’univers. C’est l’organisme formé par la société humaine tout entière qui doit lutter pour s’adapter au monde qui l’entoure ; ce ne sont pas les différentes parties de cet organisme qui doivent entrer en lutte les unes contre les autres.

4. Peut-on concilier pratiquement la vieille question soulevée par Malthus et Darwin, en leur formidable formule « struggle for life », avec les formules nouvelles de la sociologie qui estime que l’intelligence humaine, actuellement déjà mais surtout dans son devenir, est capable d’adoucir largement les conséquences de cette désolante conception ? Il faut d’abord mettre au point ce qui se colporte sur la doctrine de Darwin. Le grand savant anglais s’est borné à constater qu’il y a sélection et survivance du plus apte. C’est-à-dire que, dans la nature, des deux espèces ou variétés voisines celle-là devait fatalement survivre qui était la mieux adaptée aux conditions. Et finalement, à la longue, celle qui n’était pas adaptée devait disparaître ou du moins conserver une situation médiocre. Mais Darwin n’a jamais dit que la survivance du plus apte était assurée par l’extermination opérée par lui du moins apte. La sélection s’opère naturellement, sans agression, sans combat entre individus de même espèce. (Quelle lutte pourrait se faire entre deux espèces de choux ou d’escargots ?) Ce sont les Allemands qui ont introduit l’idée d’une extermination d’une espèce par une autre, voisine, Clausewitz et ses disciples, en préconisant la guerre absolue.

Sans doute Darwin a montré que concurrence vitale est d’autant plus intense entre deux êtres qu’ils sont plus voisins. Mais il a montré aussi que l’association d’êtres de mêmes espèces peut se faire chaque fois. Cette association assure plus de nourriture, si elle est plus efficace pour la protection et la défense. C’est bien le cas démontré des sociétés