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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/172

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des sciences appliquées les Américains ne le cèdent en rien aux Allemands et leurs créations sont autrement « colossales » que celles d’Outre-Rhin. Les grandes entreprises-types des États-Unis (banques, chemins de fer, mines, métallurgies, sociétés de développement des villes) sont d’un standard plus élevé que les entreprises similaires de l’Allemagne (exemples les combinaisons des Morgan, des Carnegie, des Rockfeller). Mais la masse humaine en Amérique demeure libre dans ces combinaisons gigantesques et l’homme n’a à souffrir d’aucune « morgue » dans le commandement. L’homme demeure l’égal d’un autre homme. L’Américain moderne s’est décidé à obtenir partout « l’efficiency », le maximum de productivité du travail. C’est lui qui a imaginé l’organisation rationnelle du travail dans les ateliers (taylorisme) qui a généralisé les procédés d’étalonage industriel (standardisation), créé des types perfectionnés d’organisation des relations du capital et du travail. Conscients de leur puissance, les Américains ont pu dire avec André Carnegie : « Détruisez nos usines, anéantissez nos capitaux, mais laissez-nous nos méthodes et notre organisation et dans deux ans nous serons devenus aussi puissants qu’avant. » Ils ont pu dire aussi avec le président Wilson : « La liberté ne peut exister sans un principe d’ordre basé sur la loi et sur l’approbation consciente du public[1] ». S’il fallait donc conclure impartialement et à larges traits nous dirions : La France et l’Angleterre ont créé la liberté, l’Allemagne a créé l’ordre, mais les États-Unis ont créé un régime qui allie l’ordre à la liberté. Par là il sont appelés à influencer à la fois ceux qui ont de l’organisation et pas assez de liberté, et ceux qui ont la liberté et pas assez d’organisation.

6. Nécessité d’un système général d’organisation. — L’organisation est la coordination de l’action comme la science est la coordination du savoir. Une « science générale », une philosophie de la science, une encyclopédie sont nécessaires pour unir entre elles toutes les sciences particulières afin qu’elles y déversent leurs apports fragmentaires, qu’elles y puisent leurs principes, leurs méthodes, le programme de leur développement et qu’elles parviennent à simplifier leurs conceptions et leurs exposés. De même une « organisation générale », universelle, internationale est nécessaire pour relier ensemble toutes les organisations particulières et pour leur fournir les moyens de se rattacher à un ensemble rationnel, économisant les énergies agissantes. Nous marchons vers la constitution d’un tel système, exprimé théoriquement en même temps que se réalisant pratiquement dans les faits.

7. Organisation internationale et droit international. — Le problème de l’organisation internationale est en grande partie un problème de droit international. Mais toute activité sociale n’a pas un

  1. Wilson, La nouvelle liberté.