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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/189

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d’énergie considérables par application d’un minimum de forces humaines pour produire leur simple déclanchement. Les lois de la gravitation montrent des équilibres si instables qu’il suffirait peut-être de très faibles déplacements, dans un sens ou dans un autre, pour produire des effets formidables. Déjà la physique et la chimie ont édifié de provisoires théories sur les ondes hertziennes, sur le radium, sur la constitution intime de la matière, sur l’unité de l’énergie. Demain des applications n’en sortiront-elles pas qui permettront d’obvier aux transformations défavorables de la planète ? Qui sait ? Des futuristes ont rêvé et décrit un état où l’homme parviendrait à imposer une direction à la terre à travers l’espace. À leurs imaginations peut se joindre celle où l’homme, reconnaissant l’impossibilité croissante de demeurer dans son habitat actuel, la Terre, assurerait la continuité de son espèce par une évasion de la planète[1].

3. Conception de l’Humanité. — La terre est habitée par un milliard et demi d’êtres humains, lesquels forment biologiquement une espèce distincte de toutes les autres. Entre tous les êtres, leurs ancêtres et leur descendance, il existe une unité : ils forment l’Humanité. Celle-ci doit être conçue comme une grande communauté, se transmettant d’âge en âge les acquisitions matérielles, intellectuelles et morales. Elle n’est pas une juxtaposition et une succession fortuite de personnes isolées qu’aucun lien naturel ne rattacherait entre elles. C’est un être collectif dont les innombrables générations humaines qui coexistent et se succèdent forment comme autant d’organismes spéciaux, solidaires à la fois les uns des autres et chacun de l’ensemble lui-même. Péniblement l’humanité travaille au cours des siècles à s’élever de l’animalité, domaine où règne sans conteste la loi du plus fort, jusqu’à l’état de l’homme évolué dont la loi est l’altruisme véritable et qui se sent enclin à la noblesse idéale du sacrifice. « L’humanité est comme un seul homme qui grandirait en apprenant continuellement », a dit Pascal. Avant lui, exprimant la pensée évangélique, l’apôtre saint Jean écrivait : « Toute l’humanité ne sera qu’une famille ». Aujourd’hui plus que jamais le monde peut et doit être envisagé comme une vaste entité groupant tous les êtres humains. Chaque homme est, en même temps que citoyen d’une patrie déterminée, membre de l’humanité ; chaque association humaine est, en même temps que coordonnée ou subordonnée à un groupement particulier ou national, une section de l’association humaine totale.

  1. A. de Candolle, Histoires des sciences et des savants depuis deux siècles (1873. Livre V, Part d’influence de l’hérédité, la variabilité et la sélection dans le développement de l’espèce humaine et de l’avenir probable de l’espèce humaine). — H. Spencer, Principles of Biology (Vol. II, livre 6, ch. 13). — Galton, Hereditary genius (p. 336-362). — Buchner (L’utopie développée dans la 4me conférence, trad. franç., p. 178). — Wells, Anticipations.