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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/314

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265. Les Lettres et les Arts.


Les Lettres et les Arts sont l’expression même de la pensée profonde et intime des peuples. Ils occupent une place éminente dans leur vie. Ils participent aussi à la vie internationale et c’est sous ce dernier aspect que nous avons à les examiner ici.

265.1. LES LETTRES. — Les dialectes, « les patois primitifs » se sont combinés ou l’un d’eux a fini par prédominer. De parlées les langues sont devenues écrites, fixant ainsi le vocabulaire, la grammaire, l’orthographe. Chaque peuple a sa littérature : poésie, théâtre, contes et romans, genres secondaires. Cette littérature raconte sa vie, ses mœurs, ses idées, ses jugements sur les choses, ses rêves et ses idées. Elle est exprimée en sa langue, qui trouve ainsi en elle à la fois son expression la plus haute et son moyen de conservation le plus sûr. La littérature est l’âme de la vie publique, la conscience de la nationalité[1].

2. La littérature constitue une force sociologique vitale. Elle impressionne un à un, mais elle impressionne tous de la même manière. Certaines œuvres exceptionnelles agissent sur une élite intellectuelle et, par l’intermédiaire de celle-ci, sur la masse ; d’autres œuvres agissent directement sur la masse.

3. Les œuvres littéraires ont voyagé, elles ont traversé les frontières. On les a lues, traduites, adaptées. Des influences se sont établies. La littérature grecque, la littérature latine ont agi sur toutes, avec l’universalité qui caractérise l’humanisme. Mais les littératures nationales se sont compénétrées. Pour ne prendre que la littérature française, on constate successivement l’influence sur elle, subséquente aux littératures anciennes, de la littérature italienne et espagnole, puis allemande et anglaise, puis russe, enfin scandinave, sans parler des autres influences moindres, comme la littérature exotique. Des poètes (Herder, Goethe) ont songé à une littérature du monde entier. Les mêmes types littéraires, la même matière époque se retrouvent dans plusieurs littératures. De nos jours les romans et les pièces de théâtre à succès font leur tour du monde, et des institutions internationales sont nées pour assurer cette diffusion ou en régler les conséquences : sociétés internationales d’auteurs et de gens de lettres, conventions internationales pour la protection de la propriété littéraire avec une association internationale libre auxiliaire pour la perfectionner et en étendre sans cesse les effets. Les bibliothèques de tous pays s’ouvrent aux ouvrages de toutes les littératures. — Or, la littérature est forme et fond. Elle a un contenu qui agit sur les intelligences isolées et, par elles, sur la pensée publique.

  1. F. Baldensperger, La littérature. — Pour F. Brunetière (Études critiques sur l’histoire de la Littérature française) le « classicisme » consiste surtout eu un complet équilibre de toutes les facultés et un sens très vif de l’esprit national.