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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/347

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observation plus exacte de la justice, jusqu’à ce que les gouvernés, pour obtenir ces concessions et cette observation, emploient les discussions équitables (le premier moyen de résistance) nonobstant les défenses humiliantes et les restrictions qu’on leur oppose ; b) puis les classes gouvernantes ont recours à la répression, en versant le sang, au fur et à mesure que les moyens successifs de résistance sont employés avec plus de force et de hardiesse ; c) vaincues, elles concèdent finalement les droits réclamés. Et en cédant elles feignent toujours de n’avoir pas souri d’abord, réprouvent la grossièreté des violences, osent dire sournoisement qu’avec des procédés aimables il y aurait un moyen de s’entendre. Mais peu de temps après elles recommencent à sourire des nouvelles réclamations en faveur de concessions d’autres droits équitables et de l’observation de la justice ; à réprimer, en versant le sang, les réclamants au fur et à mesure que ceux-ci emploient les moyens énergiques ; et finalement aboutissent encore à céder. Toute l’histoire humaine enseigne cela au petit nombre de ceux qui ne sont pas intéressés à l’interpréter faussement[1].

4. Le droit du plus fort est le pouvoir oppressif que donne la force. Le mot droit est ici abusif, car il n’y a plus de droit là où il n’est tenu compte que de la force, mais simplement proclamation de la volonté du plus fort. La fable du loup et de l’agneau, racontée par Phèdre avant La Fontaine, est l’apologue d’une loi sociologique : « La raison du plus fort est toujours la meilleure. » L’apologie de la force a été reprise par les Allemands d’aujourd’hui. « L’idée d’extension, de puissance, donnera à chacun le degré de puissance qui lui revient », écrivit von Bernhardi. Bismarck avait dit avant lui : « Là où la puissance de la Prusse est en question, je ne connais pas de loi. » On attribue aussi au Chancelier de fer la célèbre expression : « La force prime le droit. » Napoléon, lui, a écrit dans ses mémoires : « Ce que j’admire le plus dans ce monde, c’est l’impuissance de la force matérielle. À la longue le sabre est vaincu par l’idée. »

281.3. « ÉVOLUTION DE LA FORCE BRUTALE ». – Le Droit est l’opposé de la Force. À mesure que croît l’influence de l’un devra décroître celle de l’autre. Il fut une époque où la guerre était incessante entre la montagne et la plaine, le fleuve et la mer, la ville et sa voisine. Les peuples civilisés ont passé par une phase prolongée où la guerre et la conquête étaient l’un des principaux agents du développement de la cohésion et de la croissance des sociétés, de la solidarité et de la discipline civique. La guerre fut donc en son temps un facteur considérable d’ordre et de progrès. Nos sociétés ont dépassé maintenant ce stade de civilisation. Malgré certaines apparences, malgré quelques régressions jusqu’ici localisées et temporaires, l’histoire

  1. Umano, « Essai de constitution internationale », p. 34.