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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/392

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rêts de l’humanité ont au cours des temps revêtu des formes de plus en plus précises, systématiques, et ont exercé une action croissante sur la vie de l’État. Nous sommes arrivés à une période où les intérêts et la conscience sont en avance sur les anciennes formules. Leur vague et leur superficiel ne suffisent plus à protéger les meilleurs éléments contre les entreprises des moins respectables. La tâche s’impose donc de les préciser, de les systématiser, et de donner une organisation concrète à leur influence et à leur action.

292.4. GRANDS ET PETITS ÉTATS.  NEUTRALITÉ.
1. Égalité de droit des États. — Le principe de l’égalité des États souverains est la pierre angulaire du droit international. Il a été accepté comme fondamental et essentiel par tous les jurisconsultes, nationaux et internationaux, depuis le second quart du XVIIe siècle (Grotius) jusqu’à nos jours. Il a rencontré cependant deux sortes d’adversaires : a) Les États qui ont voulu conduire une politique d’hégémonie et se faire octroyer, ou s’arroger, le droit d’être au-dessus des autres. À part ces États, tous les autres ont combattu ces prétentions « Kein Land über Alles ». b) Les théoriciens qui se sont préoccupés d’assurer une organisation meilleure des relations internationales. Vouloir donner le droit à une représentation égale aux 52 États souverains est la cause du peu de progrès de l’organisation mondiale. Faire peser d’un poids égal sur les destinées du monde la Russie, la Hollande et la Principauté de Monaco est une absurdité et montre combien il est nécessaire d’adapter plus étroitement les fictions du droit aux réalités elles-mêmes. On a demandé qu’il soit accordé une suprématie en Europe aux grandes puissances et en Amérique à un Comité de grands États[1]. Nous recherchons plus loin comment une représentation des États, proportionnelle à leurs forces réelles, dans des institutions générales collectives, peut résoudre ce problème[2].

2. Grandes puissances. – Dès le XVIIIe siècle apparaît une réunion de puissances qui essaient d’imposer leurs volontés aux autres États. En 1814, l’Autriche, l’Angleterre, la Prusse et la Russie se constituent en « tétrarchie », qui devient la « pentarchie » en 1818, avec l’adjonction de la France ; l’« hexarchie » avec celle de l’Italie en 1867. Les États-Unis et le Japon y prennent rang à la fin du XIXe siècle[3]. Cette distinction en grandes puissances est basée sur l’importance des territoires, des populations, des armements. À la Conférence de La Haye, une lutte très vive s’est engagée au sujet de l’égalité des États.

  1. Lawrence, The principle of international law, 1906, p. 242. — G. Streit, « Les grandes puissances dans le droit international », Revue de droit international et de législation comparée, 20e série, t. II, p. 10.
  2. Voir ci-après n° 33. 3.
  3. C’est à la Paix de Portsmouth que le Japon est entré dans le concert des grandes puissances.