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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/396

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qu’elle est fonction de tout le système d’organisation internationale. Théoriquement le régime de neutralité occupe une place intermédiaire entre la liberté d’un lieu ouvert à tous (liberté des mers), la souveraineté nationale complète, et l’internationalisation de certains lieux.

La Suisse (1815), la Belgique (1830-1838), le Luxembourg (1867), et avant son annexion le Congo (1884), sont des États neutres perpétuels. Des projets ont existé concernant la neutralisation du Danemark[1].

À côté d’États entier qui sont neutralisés et qui jouissent de la neutralité dite perpétuelle, il y a des États qui ne sont neutralisés qu’en partie ; et la neutralisation peut s’appliquer aussi à des possessions coloniales entières ou simplement à un territoire déterminé, une ville, un détroit, un canal, un cours d’eau : les îles Pescadores ont été neutralisées après l’intervention des puissances à la suite du traité japonais de Shimonosaki (1895) ; une zone neutre a été créée entre la Norvège et la Suède.

Pendant la guerre ont été abominablement et cyniquement violées la neutralité de la Belgique et du Luxembourg. Ces faits ont été l’objet de discussions formidables et ont soulevé la conscience juridique universelle[2]. Le régime juridique de la neutralité est aujourd’hui mal défini. Comment peut-il être créé, quels sont les droits et les obligations des neutres perpétuels, de quelles garanties doit-on entourer les pays neutralisés ? Toutes ces questions demandent à être précisées au point de vue du droit international. Elles sont indépendantes de cette autre question d’ordre politique : y a-t-il lieu d’étendre le régime de neutralisation en vue de la paix. La Conférence interparlementaire de 1914 devait discuter un projet de convention ayant pour but de faciliter la neutralisation. Les États auraient pu, soit individuellement, soit par un traité collectif, déclarer leur neutralité permanente, indépendamment de l’approbation d’autres États[3].

Le projet d’une entente entre les États neutres a été fréquemment agité avant la guerre. L’idée a d’abord été soutenue par Charles Hilty. Depuis la guerre elle a été reprise de divers côtés sous la forme d’une Ligue des pays neutres. Une union politique de la Belgique, de la Hollande, de la Suisse, du Luxembourg et de l’Alsace Lorraine a été aussi préconisée[4].

Après la guerre le sort de la neutralité se posera nécessairement. Quel sera le statut international de la Belgique, dont deux des cinq garants se sont jetés sur elle et dont les trois autres sont arrivés

  1. « Revue de droit international », 1889, p. 114.
  2. André Weiss, La violation de la neutralité belge et luxembourgeoise par l’Allemagne.
  3. Voir ce projet dans « l’Annuaire politique de la Confédération Suisse «, 1915
  4. Paul Otlet, La Belgique et la Suisse, Journal de Genève », 16 août 1915