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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/400

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tes territoires qui n’ont pas toujours pour elles une utilité réelle. C’est une maladie sociale qu’on a désignée sous le nom de kilométrite (Jacques Novicow) et d’extensiomanie (amiral Réveillère).

Mais à l’époque contemporaine on assiste à une véritable dématérialisation des forces d’un État, qui deviennent plus intellectuelles, morales, économiques, et ne s’incorporent plus toutes dans un territoire. La Belgique par exemple est la sixième puissance économique du monde et son territoire minuscule fait songer au volume infinitésimal de la substance grise du cerveau qui commande à toute la masse musculaire et osseuse du corps de l’homme. La Grèce avec ses vieilles colonies non territoriales, répandues dans toute la Méditerranée, est un autre exemple. La transformation du rôle que joue le territoire dans la vie d’une nation affecte déjà nos conceptions traditionnelles. Nous aurons à en tenir compte.

3. Territoire, Population et Souveraineté. – Les deux éléments essentiels de l’État sont la population et le territoire. Chaque État a donc juridiction sur une partie de la surface terrestre nettement délimitée par des frontières et, avec le développement des communautés humaines, il est advenu que les terres du globe tout entier sont aujourd’hui divisées en territoires nationaux. Les populations habitant ces territoires sont les sujets de l’État, ses nationaux, à l’exception de ceux d’autres États qui y habitent en étrangers. L’État a juridiction sur eux. Cette situation conduit à se poser cette question : À côté des États souverains ayant territoire et population, ne peut-on envisager l’existence de certaines entités sans territoire ni population propre, mais pouvant exercer des droits de souveraineté ? Connexement, les éléments territoire et population doivent-ils être envisagés comme des blocs, des unités absolues qui doivent nécessairement être placées sous l’une ou l’autre souveraineté, ou peut-on distinguer en eux des éléments, les uns matériels, les autres abstraits, qui permettent de les faire dépendre, quant à ceci de telle souveraineté, quant à cela de telle autre ? Les faits donnent une réponse affirmative à cette dernière question. Le développement des relations des hommes entre eux et avec les choses a procédé naturellement de distinctions semblables que le droit est venu sanctionner. Sur une même chose on peut exercer un droit de propriété, de possession, de jouissance, de gage, et ces quatre droits peuvent être disjoints au point d’appartenir à quatre personnes différentes. Dans une fédération une même fraction de territoire est soumise à trois juridictions différentes superposées, l’autorité de la fédération de l’État, du canton, de la commune, et ces juridictions sont représentées par trois systèmes de lois coexistants, auxquel sont astreints tous les hommes et toutes les choses qui s’y trouvent. Les relations d’une même personne dans un État étranger sont régies, les unes par son statut personnel (loi de sa nation), les autres par le sta-