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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/414

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ainsi concentrée aux mains de quelques-uns est, en trop grande partie, affaire d’intrigues et d’ambitions, d’intérêts de coterie, souvent même de luttes de personnes opposées aux intérêts des masses. C’est pourquoi la politique étrangère doit être désormais soumise à un contrôle démocratique.

2. Les traités politiques lient les destinées d’un peuple à celles d’un autre peuple. Trop d’exemples de traités secrets ou de clauses secrètes dans des traités publics ont montré ce que cette coutume a de néfaste. Elle prive les peuples du moyen de contrôler leur politique extérieure ; elle les place devant des faits accomplis ; elle entretient une atmosphère de suspicion et de crainte autour des relations internationales, alors que la première condition de la paix doit être la clarté et la franchise. Le secret, a-t-on dit, est le bouillon de culture de la guerre, et le secret est le propre des gouvernements personnels[1].

Le traité de Vienne du 7 octobre 1879 entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, traité concernant l’alliance austro-allemande et qui fut l’origine de la Triple Alliance, contient l’article 3 suivant : « Ce « traité, en conformité de son caractère pacifique et pour éviter toute fausse interprétation, sera tenu secret par les deux hautes parties contractantes. Il ne pourrait être communiqué à une troisième puissance qu’à la connaissance de deux parties et après entente spéciale entre elles. » Le texte du traité fut publié en même temps à Berlin et à Vienne le 3 février 1888, c’est-à-dire après neuf ans. — En avril 1904, l’Angleterre et la France font une déclaration relative à l’intégrité du statu quo du Maroc. En même temps elles passent un traité secret par lequel l’Angleterre stipule que dans certaines éventualités le Maroc de la Méditerranée appartiendra à l’Espagne. Ce traité est révélé par le Matin en novembre 1911. — Le traité de l’alliance franco-russe qui remonte à vingt ans n’a pas encore été communiqué officiellement dans toute sa teneur au parlement français !

Il faut désormais que les lois fondamentales des peuples stipulent toutes que « les traités secrets seront nuls de plein droit ; » c’est-à-dire que ceux qui les contractent doivent être avertis par cette disposition formelle qu’à aucun moment ils ne pourront s’en réclamer et qu’aucune considération de politique ou de morale ne pourra être invoquée pour leur faire ressortir le moindre effet.

En Suisse il y a interdiction absolue de conclure des traités politiques secrets (et même des alliances séparées : « Sonderbündnisse »). Un

  1. C’est au secret en général qu’il faut faire la guerre. Le secret dans les familles, dans les industries, dans l’administration n’engendre jamais que difficultés, oppression et brigandages. Les sociétés secrètes aussi, quelque louable que puisse être leur but, qu’elles soient celles des francs-maçons ou celles des jésuites de robe courte, ne sont plus faites pour notre temps. Les vrais démocrates veulent la vie au grand soleil, et le travail pour le bien opéré au vu et au su de tout le monde.