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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/421

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la défense du droit des neutres a été étudiée en commun et c’est un fait que les notes aux puissances belligérantes émanant de la Maison Blanche ont été communiquées aux grandes républiques sœurs avant leur envoi. L’existence du bloc panaméricain au moment de la paix ne peut manquer de peser d’un poids réel, par sa puissance de modèle d’abord, par sa position d’intéressée dans toutes les grandes questions ethniques, juridiques, économiques, politiques impliquées dans la réorganisation de l’ancien continent. Par le fait, ces questions deviennent des questions mondiales.

Le passé des États-Unis est considérable, leur avenir est immense. Les États-Unis étaient peuplés de 9 millions d’habitants en 1820 : aujourd’hui ils sont 100 millions et de 1870 à 1905 la population a doublé. Par la puissance du fer, du blé, du coton, par le pouvoir de son industrialisme conquérant, la démocratie américaine aspire à des destins mondiaux. Les Américains du Nord offrent des traits bien caractéristiques parmi les autres peuples : énergie nerveuse, intelligence vive, méthodes directes, initiative indépendante, esprit d’entreprise combiné avec le goût du succès matériel ; ingéniosité dans les inventions et aptitude particulière à se servir de machines ; mélange d’idéalisme et de matérialisme, besoin de liberté, d’égalité, mais aussi de discipline et d’organisation, amour du progrès. La contribution des États-Unis à la civilisation universelle peut s’établir ainsi : 1° son énergie industrielle ; 2° l’établissement du principe républicain ; 3° la séparation de l’Église et de l’État ; 4° son zèle pour l’instruction publique, allant des écoles gardiennes à l’université ; 5° le mélange des différentes races européennes formant une seule nationalité ; 6° la tentative souvent douloureuse de vivre en une union sociale avec dix millions de concitoyens ayant du sang africain dans les veines ; 7° une tendance vers la paix internationale.

L’Amérique latine, de son côté, est une force en pleine croissance. Ce sont des États dont certains ont un degré de culture et de valeur civilisatrice bas encore, mais qui tendent tous à s’organiser. La richesse de leur sol est fabuleuse ; la série des climats et des altitudes complète. Leur population est si faible encore qu’on a pu appeler l’Amérique latine un désert. Elle compte cependant aujourd’hui 80 millions d’habitants, et comptera à la fin de ce siècle 250 millions d’habitants, rompant probablement en sa faveur l’équilibre démographique avec le Nord. Le créole Sud-Américain d’aujourd’hui est l’espagnol des siècles héroïques, lentement transformé par le métissage et le climat. La constitution d’un grand chemin de fer panaméricain qui relierait les deux Amériques et dont de nombreux tronçons existent déjà va aider à l’unification économique. L’Amérique du Sud est divisée en républiques, toutes libérales et démocratiques, mais libres politiquement ; elle est vassale dans l’ordre économique ; sans le capi-