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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/460

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aucun autre moyen que le dogme de la majorité[1]. Mais c’est un moyen, non un fondement de droit. La vérité c’est que le plan général de la vie universelle suppose la subordination de la partie au tout. En conséquence la minorité doit, au non : de l’ordre légal, s’incliner devant la majorité ; mais la majorité, au nom de la justice, doit s’incliner devant l’intérêt de tous[2].

Le principe de l’unanimité doit être abandonné définitivement comme il a commencé à l’être progressivement dans les conférences officielles. Il aboutit à l’immobilité, paralysant les meilleures bonnes volontés et créant au profit du petit nombre une situation prépondérante. Déjà, le Congrès de la Paix, cherchant les moyens d’obvier à l’obstructionnisme de certains États, émettait à ce sujet en 1910 le vœu suivant : « Le principe de l’unanimité ne met pas obstacle à ce que les gouvernements constituant la majorité ou la minorité concluent au cours d’une session des traités relatifs à des questions qui n’ont pas obtenu l’assentiment de tous les États représentés. » Deux Unions universelles ont nettement rompu avec le principe de l’unanimité. C’est l’Union postale universelle et l’Union sucrière internationale. Dans l’Union postale universelle, pour devenir exécutoires les propositions de modification et d’interprétation des conventions doivent réunir l’unanimité des voix, les deux tiers ou la simple majorité absolue suivant qu’il s’agit de tel ou tel article (Article 26 de la Convention postale universelle). En cas de dissentiment relativement à l’interprétation, ou à la responsabilité, pour une administration de son application, le litige est réglé par arbitrage à la majorité des voix. En ce qui concerne l’Union sucrière, la Convention internationale, conclue en 1902, a fait de la Commission internationale une véritable juridiction internationale, capable d’assurer l’application de la Convention et de pénaliser les sucres primés. Ce tribunal prononce par voie de majorité ; ses réunions ont pour objet les constatations relatives au régime intérieur des sucres dans les pays contractants et les évaluations du montant des primes qui dérivent de ces régimes. De telles décisions ont un caractère exécutoire par elles-mêmes pour tous les États contractants.

Pour se protéger contre le coup des simples majorités on a souvent imposé un plus grand nombre de voix. Ainsi c’est aux deux tiers des voix que peuvent seulement être revisées les constitutions. Dans le « Bundesrat », ou Conseil fédéral de l’empire allemand, lorsqu’il s’agit d’un projet d’ordre constitutionnel ou organique, sur les 58 voix qui le composent l’opposition d’une minorité de 14 voix suffit pour entraîner le rejet de la mesure proposée. Aux États-Unis, un bill quelconque

  1. La République américaine, trad. Leslang, Paris, Giard, 1901, t. iii, p. 449.
  2. A. Prins, Esprit du gouvernement démocratique, chap. ii. La démocratie et le principe majoritaire.