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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/486

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de vanité que pour participer dans les salons officiels et mondains à des « papotages » sans nul enseignement[1].

Chez beaucoup de diplomates qui montrent science et travail, il y a absence de contact direct avec les réalités de la vie. La raideur hiératique des diplomates allemands à l’étranger est proverbiale. Enfermés dans la tour d’ivoire de leur dignité ils ne paraissent se douter aucunement qu’à notre époque, où l’opinion publique et non le gouvernement fait la loi, un journaliste disposant de quelques milliers de lecteurs peut peser davantage sur la marche des événements que le diplomate le plus chamarré.

5. Une tâche fondamentale s’impose : le mécanisme diplomatique doit être profondément modifié et démocratisé. Sélection dans le recrutement du personnel, placé sous contrôle d’une délégation parlementaire ; meilleure rémunération permettant l’accession des peu fortunés ; extension du programme des connaissances imposées et mesures assurant la continuation de l’étude au cours de la carrière ; la « carrière diplomatique » remplacée par le « service diplomatique », recrutant son personnel, comme la politique elle-même, parmi les hommes de savoir, de pratique, de sagesse, d’influence et d’énergie, quelles que soient leur origine et leur condition.

L’organisation même des légations et des ambassades est surannée. Elles se composent en général d’un personnel de un à six membres, suivant les villes et les pays. Le plus souvent il n’existe qu’un ministre et son secrétaire. Rien d’étonnant que les risques soient grands d’une information incomplète et trop lente sur les manifestations de la vie d’un peuple qu’ils sont chargés de faire connaître. Il faut ajouter que les diplomates bénéficient de congés, que transférés de Tokio à Madrid, ou de Téhéran à Washington, pour un poste devenu vacant, leur voyage comporte quelque durée, leur installation aussi, ainsi que l’agrément de l’État étranger à leur désignation, tout ce par quoi est limité encore le rendement utile des diplomates. Ils ont d’ailleurs tout à apprendre dans le pays où ils viennent nouvellement d’arriver et il faut du temps pour s’y orienter. Et pourtant, les informations que l’on demande à la diplomatie sur chaque pays augmentent tous les jours. Pour les uns, ce qu’il importe surtout de connaître d’une grande puissance c’est l’évolution de sa politique intérieure et extérieure, ses sympathies et ses antipathies internationales ; pour les autres, ce sont ses armements avoués et secrets ; pour d’autres encore, et les plus nombreux, c’est son développement commercial, industriel ou agricole, ce sont les marchés qu’elle se prépare à disputer et les marchés qui, sur son territoire, s’offrent à l’activité étrangère. Il suit de là que le champ d’études des diplomates est très vaste. Dans les der-

  1. Notre organisation diplomatique, par *** dans l’Information, Paris, 16 et 19 novembre 1915.