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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/69

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Autant de relations différentes entre les hommes — rapports moraux, juridiques, économiques, politiques, religieux et relations de langage qui servent de véhicule à toutes les autres — autant de sciences sociales distinctes qui s’appellent l’ethnographie, l’économie, la science des religions, la linguistique, la morale, le droit, la politique.

La sociologie, la plus complexe des sciences, fait des emprunts aux sciences philosophiques, mathématiques, physiques, biologiques, psychologiques. Les résultats généraux de ces disciplines, qui lui sont antérieures dans la hiérarchie des sciences lui fournissent les principes premiers auxquels elles rattachent ses propres explications. Il y a ainsi continuité théorique dans l’explication générale de toutes les réalités existantes. Les études de la sociologie et de toutes ses branches, sont conduites pour elles-mêmes, comme sciences pures, mais à côté de chacune d’elles se développent des études d’applications en vue de mieux diriger notre intervention modificatrice sur la société. La méthode des politiciens consiste à écouter les plaintes des intéressés, de certaines catégories d’intéressés. La méthode des hommes de science consiste à s’appuyer sur des faits permanents ou généraux, attestés par des observateurs désintéressés ou relevés dans des documents soumis à un contrôle sévère et concordant, bien qu’ils émanent de sources différentes. La possibilité d’une science positive des faits sociaux, impliquant l’énoncé de lois propres, repose sur cette double constatation : il y a des faits sociaux et ils ne sont autre chose que la somme des faits psychologiques (phénomènes de l’ordre scientifique immédiatement antécédent) ; il existe un déterminisme historique et sociologique (qui n’exclut pas nécessairement l’idée d’une liberté métaphysique à l’œuvre dans la société humaine, notamment par l’intermédiaire des hommes de génie).

Il n’y a eu de sociologie générale que le jour où les esprits ont envisagé l’ensemble de la société. Dans les études qui concernent les êtres vivants on est constamment rappelé à la notion d’ensemble par la cohésion que présentent toutes les parties d’un organisme quelconque d’un ordre un tant soit peu élevé. Le corps social, lui, est formé d’organes qui peuvent concourir ensemble, qui concourent en fait, mais qui jouissent d’une certaine indépendance. La notion de concours est donc moins nette. En outre, il nous faut voir constamment comment tout s’enchaîne et se lie, comment un état social déterminé dérive de ces antécédents et prépare l’état qui doit lui succéder. En vérité tout est germe dans le passé le plus lointain. La continuité, incontestée à l’égard des faits vitaux, ne peut plus l’être maintenant quant aux faits sociaux. Or, s’il est déjà fort difficile de fixer constamment sa pensée sur toutes les parties d’une société quand on envisage simplement un groupe local ou une nation, à combien plus forte raison la difficulté est-elle grande quand il s’agit d’envisager la communauté