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Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/76

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mie après Lavoisier. Les problèmes à résoudre politiquement ne peuvent cependant attendre, pas plus que n’aurait pu attendre l’homme à qui l’on eût défendu d’absorber une nourriture dont il ignorait encore la composition ; la faim l’eût emporté sur les certitudes exactes, remises à une date indéterminée. Le bon sens, fait de traditions conscientes et d’instincts inconscients, dicte à l’homme, à tout instant de sa vie, une série d’actes que son intelligence ne conçoit pas, ou conçoit mal et qui sont pour lui des actes conservatoires au premier chef. Ainsi en est-il des sociétés. Tous les raisonnements pacifistes et antimilitaristes ont cédé devant l’agression. Avec la certitude de l’instinct de défense, chacun s’en est allé prendre ses armes. Aussi ne faut-il pas demander uniquement à la science (série de raisonnements enchaînés) toutes les solutions politiques. Il en est qui sont à l’entre-croisement de tant de principes divers, que vouloir l’absolu de l’un d’eux, en ignorant la portée des autres, serait une erreur capitale. Du tact, du doigté, de l’expérience, du bon sens sont donc nécessaires en politique. Il ne faut rien outrer, rien pousser à l’extrême. Un principe peut être vrai comme tendance et lorsqu’on envisage les masses et les totaux, mais être parfaitement faux dans le particulier. Ainsi s’explique tout le conflit entre le droit de l’individu et le droit de l’État, entre la liberté d’être ignorant, superstitieux, célibataire, matériel, vicieux, paresseux et l’intérêt général d’une nation d’avoir un peuple instruit, actif, travailleur, composé de pères et de mères à la tête de familles nombreuses et saines, et ayant des vertus réelles, des idéals élevés.

Deuxième difficulté : la science sociale n’est pas absolue. Nous sommes en pleine transformation non seulement des notions essentielles du droit public international, mais aussi de celles du droit, de la sociologie, de la philosophie. La solidarité et la filiation des concepts de ces divers ordres imposent des rectifications corrélatives dans chacun d’eux, que les modifications de pensées interviennent dans l’ordre supérieur de nos connaissances, dans l’ordre subordonné ou l’ordre collatéral. Ainsi le droit international est la branche externe du droit public et tout nouveau concept dans celui-ci, la notion de l’État par exemple, doit réagir forcément sur les notions fondamentales mêmes de l’une et l’autre des deux branches. Mais le droit public n’est lui-même qu’une partie du droit, lequel à son tour n’est qu’une des sciences sociales, et reçoit une partie de ses principes tout élaborés de la sociologie, tributaire elle-même de la philosophie première (sciences naturelles, psychologie, cosmologie). Tout se lie, tout est uni, chaque élément est partie d’un ensemble plus vaste mais fait subir à son tour à cet ensemble les conséquences de ses propres modifications. Le difficile consiste dès lors à pouvoir trouver des points fixes au milieu d’une évolution simultanée et encore inachevée, tant de l’ensemble