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Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/218

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DOCUMENTS GRAPHIQUES

donnait le chant choral et pratiquait le chant monodique, principe de notre récitatif et de notre déclamation lyrique.

c) Il faut lire l’histoire infiniment compliquée de la composition et de l’écriture musicale pour se rendre compte du rôle de cette dernière à la fois pour l’élaboration et pour la conservation des compositions. La paléographie musicale (séméiographie) a connu bien des particularités, chefs, modes, temps, prolations, altérations, conformations des notes et pauses, points, color, ligatures, etc. Il y a eu les neumes, les notes, plus tard la portée que seule nous connaissons de nos jours. La musique a été monophonique puis polyphonique. La succession des notes en différentes hauteurs constituent les premiers éléments schématiques de la mélodie. Les places où se produisent ces montées et descentes mélodiques, suivant leur rapport avec les éléments modaux et autres, prennent une signification syndoxique particulière. Une ou plusieurs courbes mélodiques comportant les éléments de l’introduction et de la conclusion constituent la phrase. L’ordre mélodique incomplet en soi, se détermine, « prend forme » avec la durée relative accordée aux notes. La phrase musicale débute par l’ictus initial qui constitue l’élan du départ. Par celui ci, les notes s’intensifient, rythmiquement, c’est-à-dire que les valeurs de durée mesurées rigoureusement d’après une unité type, étalon (musica mensurata) ou seulement énoncées en longue ou brève et non exactement mesurée (musica plana) au fur et à mesure de leur succession perdent chacune une partie de leur durée ou longueur théorique. Cette intensification, protase, par la diminution progressive des valeurs parvenues à son maximum prend le nom d’accent agogique. Celui-ci précède l’apodose qui, contrairement à la protase fait augmenter proportionnellement et progressivement la durée des notes, rigoureuse mesure et non à mesure qu’elle s’approchent de mora vocis qui précède le repos. La juste valeur agogique donnée aux notes par rapport à la place qu’elles occupent dans la protase et dans l’apodose constitue le rythme. Les compositeurs aux XVe et XVIe siècles avaient l’habitude d’écrire sur des cartelles, ou morceaux de parchemin, la partition. Les parties séparées étaient transcrites dans les livres de chœur ou on les disposait sur une ou deux pages. Le livre de chœur était l’unique exemplaire autour duquel se disposaient tous les chanteurs pour l’exécution. Plus tard, lorsque la musique fut imprimée, on trouva rarement les parties ainsi disposées. La manière la plus usitée fut celle d’un cahier par parties. Au temps de la grande époque contrepointique, la partition proprement dite était inconnue. Le premier essai de partition, selon le sens moderne, remonte à la fin du XVIe siècle. C’était par la seule audition que l’on pouvait prendre connaissance des œuvres musicales de ces temps, leur disposition par parties séparées ne permettait point la lecture simultanée de ces diverses parties. L’on sentit peu la nécessité visuelle de l’ensemble des parties contrepointiques, car les compositeurs anciens étaient chantres en même temps et ne dirigeaient guère que leurs œuvres. Pour les compositions d’autrui, ils devinaient les beautés d’œuvres établies selon des règles communes et strictement observées. Les notations ont été en se simplifiant, mais en enlevant peut-être à la musique elle-même quelque chose de sa complexité. Par ex. les ligatures (réunion de deux ou plusieurs notes formant un seul signe) et application de plusieurs syllabes sous une ligature. Dès la fin du XVIe siècle, on abandonna les ligatures qui deviennent de simples embellissements graphiques facultatifs. On procède actuellement à la transcription de la musique ancienne en notations modernes. La première trouve dans la seconde une stricte équivalence de ses valeurs phonétiques et de durée. La transcription se fait éventuellement en quatre clés (sol, do 3e ligne, do 4e ligne, fa 4e ligne).[1]

d) La lecture de la musique est l’action de saisir rapidement, d’après la notation des partitions, le ton et la valeur des notes.

e) La réforme de la notation musicale fut l’objet de nombreux travaux. Ils tendent vers une « notation continue » (Houtstont, Pierre Hans, etc.). Le système traditionnel altère les notes par des dièzes et des bémols, simples ou doubles. Depuis l’adoption de la gamme tempérée, on n’a plus distingué que onze tons, soit une division de l’octave en douze demi-tons égaux. Or, avec les sept notes actuelles et les dièzes et les bémols simples ou doubles, on les altère, ce qui donne en réalité 7 × 5 = 35 notes écrites différentes pour onze sons. Le bécarre rétablit la touche et l’on dispose de clés diverses. La musique moderne étant dissonante et modérée à l’excès, l’indication de la tonalité par l’armature à la clé est devenue inopérante puisque à peine établie, on la quitte pour passer à une autre.

La notation continue a plusieurs avantages : 1o elle supprime les altérations et contre-altérations qui affectent jusque 80 % des notes ; 2o elle établit une portée continue avec une seule clé et des signes de tonalité-modalité ; 3o supprimant la gravure à la main, elle permet d’écrire les partitions à la machine à écrire et à la linotype ; 4o elle limite les erreurs de copie à la gravure évaluées à 10 % ; 5o elle supprime en moyenne 80 % des signes ; 6o elle diminue de moitié le prix de la musique ; 7o elle traduit les sons à la vue par les arabesques des notes.

La notation musicale a déjà changé plusieurs fois. Quand la notation du plain-chant fut reconnue impuissante à traduire la musique instrumentale, on adopta la notation actuelle ; celle-ci a dû pratiquement abandonner deux clés d’ut, une de fa et une de sol, et l’on a altéré chaque note.

  1. Les indications ci-dessus sont tirées du Dr. Antonin Tirabasi : Grammaire de la Notation proportionnelle et sa transcription moderne. Bruxelles, Falk 1930.