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Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/253

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LE LIVRE ET LE DOCUMENT


perception du beau n’est point égale chez les artistes. Elle est relative aux puissances ou aux limitations de leur psychologie ou de leur pouvoir de création. Le plus grand triomphe de l’art est quand il suscite en nous les émotions les plus profondes et les pensées les plus sublimes. Les plus belles formes doivent encadrer les plus belles idées. L’art doit être l’enchantement de la culture humaine, la manifestation sociale de l’idéal de beauté.[1]

d) Le développement des beaux-arts a consisté en une intensification systématique des plaisirs ressentis par l’œil et par l’oreille ; développement simultané de deux voies : accroissement de la capacité de jouissance (subjective) ; accroissement des moyens de jouissance des autres (objectif).

243.74 Espèces d’art.

a) Il y a un grand nombre d’arts. L’art basé sur l’ouïe est la musique.

Les arts basés sur la vue sont au nombre de quatre principaux : la sculpture, la peinture, l’art des jardins, l’architecture. Les trois premiers sont une imitation de la nature. La sculpture donne la forme ; la peinture donne la couleur et la représentation de la forme ; l’art des jardins est la nature elle-même adornée ; l’architecture est l’anneau reliant les beaux-arts et les arts pratiques. On a rangé parmi les arts, le théâtre, la danse, les arts décoratifs, la photographie et le cinéma.

b) Tolstoï a établi une distinction entre l’art des classes riches, fait de séduction maladive et de sensualité, art de plaisir et de luxe autant dans le domaine littéraire que dans celui des arts plastiques, et l’art du peuple qui pourrait être celui qui exprime les grands sentiments humains de ceux qui travaillent, les grandes idées qui sont le fond des aspirations sociales.

c) La faculté de prendre plaisir aux formes et aux objets réguliers a précédé celui de prendre plaisir aux objets irréguliers. Les sauvages sont insensibles à la beauté des paysages. L’humanité n’a découvert aucune des beautés de la nature, maintenant devenues classiques, jusqu’au XVIe et XVIIe siècle, et cela est aussi vrai des races Indo-Germaniques que des autres.[2]

243.75 Architecture.

a) L’architecture est l’art de bâtir suivant des règles déterminées par la destination des édifices. Elle est l’art de diviser et d’enclore l’espace. Il y a l’architecture religieuse, civile, militaire, hydraulique, industrielle. Il n’y avait de monuments parfaits selon les Grecs que ceux possédant à la fois la beauté, la commodité et la solidité. Pour réaliser la beauté, la composition architectonique doit avoir égard à l’ornementation, à la symétrie, à l’harmonie ou eurythmie, à la convenance. La commodité dépend de la situation, de la forme, de la distribution des diverses parties. Les modernes ont renversé un grand nombre de ces principes.

b) Plus durable que la plume, plus impressionnante qu’elle, la pierre est parfois une excellente expression de l’esprit. Un grand monument, les bâtiments destinés à des institutions intellectuelles (instituts, laboratoires, musées, bibliothèques) portent pour toujours l’empreinte de leur créateur ; quand l’idée est fertile, elle grandit ; la pierre suit.

c) L’ « architecture feinte » est le nom donné à des peintures décoratives qui, par le moyen de la perspective linéaire et des couleurs, reproduisent tous les détails de l’architecture réelle. Fort employée autrefois, surtout en Italie, on l’a appliquée aux décors de théâtre et pour ceux des fêtes et réjouissances.

243.77 Sculpture.

a) Les productions originales de l’art statuaire sont en marbre, pierre, bois, métal ou toute autre matière. Ce sont des statues, bustes, haut et bas-reliefs, sujets, groupes, reproduction d’animaux, etc. N’y sont pas compris les sculptures ornementales de caractère commercial (chapiteaux, colonnes, cheminées).

b) L’homme très tôt a produit des œuvres de sculpture. On en a trouvé dans les cavernes des primitifs. Les Égyptiens, les Assyriens, les Perses, les Grecs, les Romains nous ont laissé des œuvres de sculpture remarquables et souvent d’une grande perfection : statues de dieux, idoles, bas-reliefs. Les Grecs commençaient à exécuter des bustes en ronde bosse vers le temps d’Alexandre. À Rome, les premiers bustes furent les images des ancêtres, en cire coloriée, en marbre, en bronze, même en plâtre moulé sur nature.

c) La statuaire est plus ou moins près de la réalité, depuis le bas et le haut-relief jusqu’à la représentation en ronde bosse.

Dans le bas-relief proprement dit, les figures sont peu saillantes et comme aplaties sur le fond ; dans le demi-relief ou demi-bosse, les figures sortent de la moitié de leur épaisseur ; enfin, dans le haut-relief ou plein-relief, les figures sont presque détachées du fond. Les Assyriens, les Grecs ont laissé de superbes bas-reliefs ; ceux du Parthénon, par exemple, sont encore des modèles. Parmi les bas-reliefs romains, citons ceux de l’Arc de Titus et de la Colonne Trajane.

243.78 Les Œuvres d’art et la Documentation.

a) Les œuvres d’art, les monuments figurés, sont des documents. Elles sont l’expression de cette partie de la

  1. Jean Delville. — L’idée de beauté, la défense de l’art. 1 mai 1933.
  2. Voir de Humbold : Kosmos, Bd. II, S. 16-23. — Burdet, The Sacred Theory of the Earth, vol. 1, pp. 194-196. — Carpenter, Mental Physiology, p. 154.