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Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/262

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OPÉRATIONS. FONCTIONS, ACTIVITÉS

jourd’hui formait alors le grand tirage. (La Henriade ne dépasse pas 2,000 exemplaires.) Les hommes de lettres vivaient grâce aux pensions du roi ou aux libéralités des Mécènes. (A. Brule : La Vie au XVIIIe siècle. Les gens de lettres.)

c) Voici des exemples de sommes payées à des écrivains : Milton vendit son Paradis perdu au libraire Symons pour cinq livres sterling. Depuis les éditions de l’œuvre en Angleterre et dans toute l’Europe ont produit plus de millions qu’il n’y avait d’oboles dans ces cinq livres. M. Ohnet a 100,000 lecteurs. Émile Zola a gagné deux à trois millions en écrivant ses romans. Flaubert recevait de son éditeur pour Madame Bovary, pour des droits durant vingt ans, une fois payé, une somme de 500 francs. Un romancier qui peut difficilement produire deux romans par an reçoit 2,500 à 2,700 francs par volume. Avant la guerre en Russie, on payait 500 francs par feuille de 40,000 lettres. En Allemagne, à un auteur qui veut se faire connaître, on payait 60 à 80 marks par feuille. Dans ses Souvenirs, l’éditeur américain, M. Mac Clure, qui avait publié les Aventures de Sherlock Holmes, raconte que, pour les six premiers récits, il versa à Conan Doyle la somme de 6,480 francs, soit 1,080 francs par récit. Pour les six récits suivants, il versa 9,920 francs, soit 1,320 francs par récit. Les honoraires ne cessèrent ensuite d’augmenter. Il y a quelques années, quand Conan Doyle publia une nouvelle série d’aventures de son héros favori, l’éditeur américain acheta 1,200,000 francs le droit de reproduction aux États-Unis. — À l’Ouest, rien de nouveau a rapporté à M. Remarque, en francs belges, à peu près douze millions de droits d’auteur.

d) La tâche désintéressée de l’écrivain se maintient. Renan a écrit : « J’ai eu trop de plaisir à faire ce livre pour que je demande d’autre récompense que de l’avoir fait ». Au contraire, un autre auteur a dit que « la grande satisfaction du travail accompli, c’est de n’avoir plus à l’accomplir ! »

251.3 Opérations de la facture intellectuelle.

a) Les opérations du travail intellectuel qui conduisent à l’élaboration d’un livre, d’un article ou d’un document quelconque forment elles-mêmes tout un cycle ou l’on distingue les six phases principales suivantes : 1° le choix du sujet : 2° la préparation : lecture, recherches ; 3° la rédaction ; 4° la préparation du manuscrit pour la publication ; 5° la publication ; 6° la suite du livre dans sa destinée.

b) Les diverses opérations ne sont décrites ci-après que schématiquement et pour ce motif, elles peuvent laisser l’impression de simplicité. Dans la pratique, elles relèvent en réalité d’un ensemble de précautions, de complications et de manipulations techniques qui forme l’objet des exposés étendus auxquels sont consacrés les ouvrages spéciaux. Van Hoesen (Bibliography) appelle « Bibliographie pratique » tout ce qui concerne ces diverses opérations. Le mot anglais « Authorship » y est souvent appliqué.

251.31 Choix du sujet traité. Matière.

Le sujet est choisi librement ou imposé.

a) Les écrivains sont placés devant l’infinité des sujets possibles.

L’Univers est inépuisable. Les connaissances sont sans limites, les œuvres et documents aussi. Comment distinguer le principal de l’accessoire, l’utile du futile, l’opportun du suranné, l’intéressant du monotone. Un double facteur influe sur le critère du choix. Le temps : à mesure qu’il s’écoule l’importance est moindre. Ex. : En temps de crise toutes les nouvelles sont utiles, mais passées ces journées, c’est du bavardage. La distance : ce qui est près touche plus que ce qui est loin. Par ex. : le détail de ce qui se passe dans une ville n’a guère d’intérêt pour ceux qui vivent à ses antipodes.

b) Dans les sciences, les sujets à traiter sont indiqués par l’état auquel est arrivé chaque science et le problème qui s’impose à chaque moment aux chercheurs. En littérature les grandes sources d’inspiration sont l’homme, la nature, la société, l’histoire, l’existence, les livres.

Une matière est longtemps traitée incidemment ou comme partie d’un ouvrage, avant de donner lieu à un traité qui lui soit exclusivement consacré. Ainsi la Biologie, la Sociologie, ainsi la Documentation, ainsi les divers arts (ex. : l’opuscule de Arte illuminandi qui date du XIVe siècle, est le premier manuel consacré à l’enluminure, mais bien antérieurement il en est question dans des traités plus généraux).

251.32 La préparation de l’œuvre. Lectures. Recherches.

La préparation implique lecture, recherche, méthodologie, choix, définition et limitation du sujet de recherche, collectionnement, arrangement et sélection des matériaux, prise de notes, compilation de la bibliographie, critique des sources.

1. La recherche.

La recherche est de trois ordres : 1° l’observation, expérimentation, voyage, enquête ; 2° la méditation, la réflexion ; 3° la consultation de la documentation, soit les travaux de tiers (voir bibliographie), soit sa propre documentation.

Il est bon de réfléchir au sujet avant de se lancer dans la recherche bibliographique et de continuer à y réfléchir à tous les stades de la lecture et de la rédaction.

Des ouvrages nombreux ont été publiés sans la manière d’opérer le travail de recherches. Ainsi Schluter How to Do Research work ; Reeder How to Write a thesis. Chaque matière à sa propre méthodologie ; il y a toutefois