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Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/277

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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

vresque, mais fort souvent ils ignorent l’existence même de ce qu’ils vont acquérir. C) Enfin une Librairie n’est pas seulement une maison de vente ; c’est une agence intermédiaire entre les livres offerts et les livres demandés. Le libraire ne saurait tout avoir en magasin, et l’acheteur lui ne saurait voir son choix limité à ce que le vendeur possède actuellement en magasin.

Le recours aux commissionnaires s’impose aux auteurs qui font imprimer directement leurs œuvres sans s’adresser à un éditeur.

253.21 Conception de la librairie.

La condition de la librairie, la conception du libraire présentent des particularités de pays à pays.

1. Situation et statut du libraire.

Le libraire, aux États-Unis, est un véritable négociant et non pas un simple dépositaire. Il risque son argent sur chaque livre. Il ne connaît pas les envois d’office, ni les comptes dépôt, ni surtout les retours à l’éditeur. Il est soumis à toutes les obligations qui régissent l’achat et la vente de marchandises. Ces quelques traits suffisent à différencier des libraires continentaux le libraire américain. Ce statut conditionne toute la politique du libraire et de l’éditeur américains, ainsi que leurs rapports mutuels. Puisqu’il achète et vend, puisqu’il avance des capitaux, le libraire américain doit être sérieusement préparé aux responsabilités de sa profession, aussi bien du point de vue commercial que du point de vue littéraire. Acheter des livres pour les revendre suppose une culture qui permet de juger de leur valeur intrinsèque et une connaissance pratique des goûts de la clientèle. Puisque ses frais d’exploitation ne se bornent pas aux seuls frais généraux et que son stock représente son capital personnel, le libraire américain ne fait pas de son magasin un tombeau pour ses livres ; aussi applique-t-il à leur vente les méthodes commerciales modernes qui font leurs preuves dans les diverses branches du négoce : étude du marché, approvisionnement rationnel, comptabilité adéquate et inventaire permanent, vente scientifique, mailing list et publicité. Puisqu’il doit acheter les ouvrages qu’il propose en vente et que, si l’on peut juger d’un coup d’œil la qualité matérielle d’un livre, son contenu spirituel échappe aux cerveaux non préparés, le libraire américain ne s’engage dans la profession qu’après des études générales suffisantes et une formation technique spéciale qu’il peut acquérir soit dans les Universités, soit aux cours institués par l’American Library Association.

2. Notion. — La librairie a pour fonction d’être l’intermédiaire entre les centres de production des publications (éditeurs) et le public acheteur des publications.

Le libraire américain ne sait pas se croiser les bras dans sa boutique, en attendant que le client daigne faire le sacrifice d’entrer lui offrir son argent. Non, il doit susciter la vente ; faire de la prospection rationnelle ; mettre en valeur les services de sa firme et les avantages qu’ils procurent ; suivre la publicité des éditeurs et s’efforcer d’en bénéficier ; profiter des fêtes saisonnières pour offrir à sa clientèle les livres qu’il présume devoir l’intéresser, car il connaît ses goûts et peut s’en faire une force. Sa publicité éveille le désir, active la demande, et les services qu’il leur rend font de ses clients ses obligés fidèles.

Service est le mot d’ordre.

3. Devoirs du libraire. — Les libraires sont les guides conseillers de leurs clients. Ils partagent dans une large mesure, avec les écrivains, avec les éditeurs, le noble exercice d’un rôle d’éducateur et d’orienteur de la pensée vers le bien, le vrai et le beau.

4. — Espèces.

Il y a diverses espèces de librairies : 1° librairies d’assortiment ou librairies de détail ; 2° librairies anciennes, antiquariats, bouquineries, vente de livres d’occasions ; 3° maison de commande en librairie ; 4° librairie ambulante, librairie de colportage.

5. — Centres du commerce des livres.

Il y a eu de tous temps des centres de production et de commerce des livres. À Rome, après les conquêtes et les butins de la République, autour des Universités créées du XIIIe au XVe siècle (scriptoria). Au XIIIe siècle, le commerce des livres à Paris seul occupait plus de 6,000 personnes, copistes, relieurs, enlumineurs.

Ln Renaissance stimula la production des copies et des nouveaux ouvrages. Après la chute de Constantinople, Venise devint le centre du commerce des manuscrits. Cordoue sous les Maures fut un centre pour le commerce des manuscrits arabes et plus tard des manuscrits hébreux. En Suisse, à Constance et à Bâle, durant le Concile de l’Église au XVe siècle. Paris, place de manuscrits, retarda longtemps l’introduction de l’imprimerie.

Aujourd’hui les capitales sont des centres de commerce de livres. Outre celles-ci, en Allemagne, Leipzig, Cologne, Munich, Francfort ; en Italie, Milan et Turin ; en Espagne, Barcelone ; en Belgique, Anvers.

253.22 Organisation de la librairie.

L’édition et la librairie constituent de par le monde une force immense. Cette force a commencé son organisation et cette organisation est déjà largement universelle. Mais il reste bien à faire pour que toutes les réalités et potentialités existantes dans l’édition et la librairie reçoivent leur plein effet, pour qu’elles soient reliées à l’ensemble du mouvement vers un progrès supérieur.

a) La librairie allemande.[1] — L’organisation de la librairie allemande est remarquable. Le « Börsenverein der

  1. Hans Köster. — L’organisation de la Librairie allemande. Toute l’édition n° 345, 346 et suivants.