Aller au contenu

Page:Owen jones - Grammaire de l ornement, 1856.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ORNEMENTS CELTIQUES.

déjà. Ajoutons ici que, quoique nous ayons dérivé nos arguments principalement des plus anciens manuscrits, nous arrivons au même résultat en considérant les ornements en métaux ou en pierre de la même époque ; dont les dessins forment les pendants de ceux des manuscrits, à tel point qu’on ne peut qu’arriver à la conclusion, que les dessinateurs qui ont produit les dessins des uns, ont dû fournir aussi ceux des autres. Sur quelques-unes des grandes croix en pierre, cette ressemblance est si frappante, qu’on est presque tenté, en les examinant de croire qu’on voit une des pages d’un volume enluminé, à travers une loupe.

2. Particularités de l’Ornement Celtique. — Les principales particularités qui caractérisent l’ornement celtique, consistent, premièrement en ce que les ornements phyllornorphiques, soit à feuillages soit à végetaux, y manquent complètement — il n’y a pas la moindre trace de l’acanthe classique ; et deuxièmement, elles se manifestent dans le traitement excessivement compliqué, minutieux et élaboré des différents dessins, dessins géométriques pour la plupart, composés d’entrelacs à rubans, de lignes diagonales ou spirales, d’animaux et d’oiseaux monstrueux pourvus de têtes, de langues et de queues très longues, entrelacées et contournées en nœuds presque infinis.

Dans les manuscrits les plus somptueux, tels que le livre de Kells, les évangiles de Lindisfarne, et de St. Chad, et dans quelques-uns des manuscrits de St. Gall, on voit des pages entières couvertes de dessins des plus élaborés, divisés en compartiments, et qui dans leur ensemble présentent des dessins en forme de croix. Il y a un de ces dessins au commencement de chaque évangile. La production d’une telle masse d’ouvrage[1] doit avoir exigé un travail énorme et un soin infini, puisque l’examen le plus minutieux, à l’aide d’une loupe, ne pourrait y découvrir une erreur dans l’exactitude des lignes ou dans la régularité des entrelacs ; et ce soin minutieux n’empêche pas le coloris de produire l’effet le plus harmonieux.

Contrairement à l’habitude suivie auparavant, de commencer un manuscrit avec une lettre qui ne différait guère du reste du texte, on eut soin, dans ces manuscrits, d’orner d’une manière également élaborée le commencement de chaque évangile, qui fait face à ces grandes pages ornées. Les initiales étaient souvent d’une grandeur gigantesque et remplissaient la plus grande partie de la page, le reste de la page était occupé par quelques-uns des mots qui suivaient, dont chaque lettre avait la hauteur moyenne d’un pouce environ. Dans les pages qui formaient le commencement du texte, comme dans celles qui contenaient les dessins en forme de croix, se trouvaient représentés, avec plus ou moins de détails, tous les différents styles d’ornementation.

Les ornements les plus variés que les artisans en métaux, en pierre, et les écrivains des manuscrits employaient généralement, se composaient d’une ou de plusieurs bandelettes étroites entrelacées et nouées, contournées quelquefois dans les enroulements les plus compliqués, et quelquefois arrangées d’une manière géométrique et symétrique. Sur les planches LXIII. et LXIV. se trouvent nombre d’exemples des différents styles de cet ornement. En coloriant ces rubans de différentes teintes, appliquées sur un fond noir ou sur un fond de couleur, on peut produire des effets variés et charmants. Pour se faire une idée de la complication curieuse de quelques-uns de ces ornements, on n’a qu’à suivre le cours du ruban dans ces dessins ; comme, par exemple, dans celui qui se trouve dans le compartiment supérieur de la figure 5, planche LXIII. Quelquefois deux rubans poursuivent leur cours parallèlement, s’entrelaçant alternativement, comme à la figure 12, planche LXIV. Quand les circonstances le permettent, les rubans sont dilatés et prennent une forme angulaire pour remplir certains espaces du dessin, comme à la figure 11, planche LXIV. La modification la plus simple de ce dessin c’est le double ovale, qu’on peut voir aux angles de la figure 27, planche LXIV. Cette modification se rencontre dans les manuscrits grecs et syriaques, ainsi que dans les pavés mosaïques

  1. Dans une de ces pages ornées, que nous avons copiée de l’évangile de St. Chad, il n’y a pas moins de cent vingt représentations d’animaux des plus fantastiques.
92