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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/127

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mais je ne puis pas oublier que cette année mon éducation s’achève, et que je puis au mois d’août être avocat si je veux. Moi, avocat, vous figurez-vous cela ? Après tout, avocat n’est pas grand-chose. Une circonstance qui ne contribue pas peu à laisser chez moi le moral dans cet état de perplexité, c’est que le seul conseiller intime que j’aie ici, le seul dont la sagesse et la bonté puissent à la fois me tenir lieu de père et de mère, M. Marduel, a fait un long voyage à Lyon. Il a dû revenir ce soir, et je compte le voir demain mais il nous avait quittés depuis Pâques, de sorte que, comme je suis peu jaloux de faire de nouvelles connaissances, je suis demeuré tout ce temps abandonné à mon humeur et aux caprices de mon imagination. En vérité, s’il y a parmi les protestants quelques jeunes gens de bonne foi, éclairés et religieux, je les plains bien de manquer d’un secours dont ma jeunesse a tant besoin, et sans lequel je serais ou complétement gâté, ou consommé de mélancolie. Les autres amis sont une mince ressource : les uns,’ ceux de mon âge, sont aussi inexpérimentés, aussi irrésolus que moi ; les autres se bornent à M. D. qui, depuis qu’il est marié, n’est plus guère jeune homme, et ne comprend plus rien aux jeunes gens d’aujourd’hui. Tout ce que je viens d’écrire la n’a rien de très gai, et c’est pour cette raison que je ne vous ai pas entretenue plus tôt.