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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/290

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Mais il me semble que je’retourne à un chapitre que vous avez toujours dû trouver long dans mes lettres, celui de mes chagrins. J’en aurais beaucoup à vous dire toujours les mêmes tristesses autour de moi et ma mère presque aveugle, toujours les mêmes tristesses en moi et les mécontentements que me donne mon naturel incorrigible. En ce moment je souffre d’un mal qui vous paraîtra singulier dans une ville où j’ai des parents et des amis si nombreux, je veux dire l’isolement. Car d’un côté je ne puis épancher auprès de ma mère, dont l’extrême sensibilité rend les émotions très dangereuses, tout ce que j’ai de soucis et de pensées affligeantes je ne puis les décharger dans le cœur de mon frère qui est presque toujours absent et que je ne vois presque jamais seul si j’en parlais à d’autres parents, ce serait leur demander des conseils qui de leur part seraient des ordres. Mes amis, plus heureux que moi, n’ont pas besoin de sortir de leur famille, ils y demeurent habituellement renfermés, il n’existe plus entre nous cette nécessité d’un rapprochementmutuel qu’on éprouvait à Paris.

Rien ne m’est douloureux comme ces longues soirées du dimanche que ma mère passe chez sa soeur, où je vois des groupes joyeux attirés par le retour du printemps remplir les promenades, tandis que je demeure seul, et, ne connaissant pas de plus maussade compagnie que moi-même, je me