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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/301

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d’agrément, pour moi, si les secours que j’avais à Paris ne m’eussent ici complétement fait défaut. Notre bibliothèque est assez riche, mais notre littérature vivante est singulièrement pauvre, et le petit nombre d’hommes instruits que nous possédons, environnés d’une espèce de défaveur dans la société, obligés de se replier sur eux-mêmes, en contractent des habitudes de sauvagerie qui les rendent inaccessibles. Je n’ai donc pu trouver qu’auprès de M. Noirot, notre ancien professeur de philosophie, les conseils dont j’avais besoin. Du reste, plus rien de cet entraînement, plus de trace de cette chaleur générale, de cette vie extérieure qui à Paris me soutenait et me portait. Je crois que, si l’on était plus fort de constitution intellectuelle, mieux fourni d’études antérieures, ce labeur solitaire aurait son avantage il conserverait une originalité qui se perd dans l’espèce de contagion de style où l’on est exposé à Paris ; il s’y trouverait un peu plus de cette austérité de pensées, de ces convictions consciencieuses, qui s’ébrèchent ou tout au moins s’arrondissent, s’atténuent par le frottement. L’esprit se polit mieux parmi vous, mais c’est à la condition de s’user. Quant à moi, je ne suis pour encore de trempe à travailler seul je suis de mauvaise compagnie, à ce qu’il semble, car je ne m’ennuie jamais tant qu’avec moi-même. Et encore que les livres se mettent en tiers ; au bout de quelques heures~ cette parole morte me fatigue. J’ai besoin d’en-