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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/111

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ne peut aimer autre chose ; il faut qu’il se fasse foyer de ses affections comme il s’est fait centre de ses idées. Devenu Dieu, il ne voit autour de lui que des victimes, et sa vie n’est qu’une longue fête durant laquelle le sang, l’or et les parfums doivent couvrir son autel. Enfin, cet égoïsme immense porte en lui-même sa punition. Quelle que soit la situation actuelle de l’homme, et quelque séduisante que lui apparaisse une condition différente, il ne peut abandonner la première pour passer à la seconde qu’en s’appuyant sur l’espérance ; et l’espérance implique à son tour la notion d’une loi providentielle et d’un pouvoir protecteur. Celui donc qui s’est divinisé dans sa pensée, qui ne se sent protégé par aucun pouvoir supérieur au sien, et que rien n’assure de la légitimité de ses prévisions, celui-là serait insensé de délaisser un présent qu’il possède pour un avenir que peut-être il n’atteindra pas, et de se mouvoir quand le mouvement peut causer la mort. Le voilà donc condamné à rester face à face avec soi-même, éternellement assis et pétrifié en quelque sorte, dans la position fatale où la pensée de l’égoïsme est venue le saisir :

. . . . . Sedet æternumque sedebit
Infelix Theseus.

Si la raison individuelle n’arrive point toujours à ces funestes résultats, c’est qu’elle n’a pas le malheureux courage d’être conséquente, c’est qu’en-