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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/556

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quatre cents ans de distance, dans le tourbillon social ? L’Angleterre était pourtant plus éclairée au seizième siècle, plus libre sous le sceptre capricieux d’Élisabeth et de Jacques I° que sous la massue de plomb de Henri Plantagenet. Si Bacon trouva dans sa patrie ces habitudes serviles auxquelles Henri VIII l’avait façonnée, la fortune de saint Thomas commença au sein de cette cour anglo-normande, où ses yeux ne rencontrèrent que des spectacles de corruption et d’iniquité. Cette infirmité naturelle du chancelier de Vérulam, qui l’empêchait de se tenir debout sur les degrés du trône, nous l’avons retrouvée dans les premières irrésolutions, dans la condescendance extrême, dans les défaillances secrètes de Becket. Enfin, l’ignominie du premier, comme l’héroïsme du second, nous apparaît avec ce je ne sais quoi d’achevé que donne le malheur.

Mais qu’importent les circonstances, les caractères et les personnes ? L’histoire de Bacon est celle du plus grand nombre des philosophes. Voici Platon, selon qui le genre humain n’a de bonheur à espérer que sous le gouvernement d’un philosophe-roi et lui-même s’assied, couronné de fleurs, à la table de Denys. Voici Aristote aux pieds d’Alexandre; Cicéron déshonorant son exil par un pusillanime désespoir, ou bien brûlant devant César le parfum avili de son éloquence ; Sénèque mourant trop tard pour se faire pardonner la fami--