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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/102

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cette prodigalité, il ne mangeait pas. Séverin lui donnait une chique de temps en temps ; Maufret l’estimait à cause de cela ; il l’estimait aussi parce que Séverin était comme lui un fameux ouvrier, ni vantard ni buveur. Dès qu’il le vit s’approcher, il se rangea pour lui faire place, et il lui demanda où en étaient les avoines aux Marandièros ; puis on parla du temps où des plants de choux.

Séverin amena peu à peu la conversation sur les petites borderies et sur les anciens valets qui les cultivent quelquefois pour leur compte. Maufret lui coupa la parole.

— Les valets qui se mettent en borderie sont fous, mon gars.

— Parce que ?

— Parce que, pour se mettre en borderie, il faut de l’argent, et les valets n’en ont jamais ; d’abord ils ont toujours trop de drôles pour avoir de l’argent.

Le jeune homme ne put s’empêcher de rire :

— Trop de drôles ! à qui la faute ? à qui la faute, Maufret, si vous êtes un bon travailleur ? L’autre secoua ses épaules mornes.

— Nous te verrons venir, garçon ! Toi aussi, tu en auras des drôles, sans compter que tu n’auras pas tort ; ce n’est pas en t’échinant derrière Frédéric Loriot que tu ramasseras des rentes ; c’est en faisant des drôles ; faut t’y mettre, mon gars !

Par petites phrases, que ponctuait le sifflement de sa pipe, Maufret continua :

— Un héritier, vois-tu, c’est bon pour les riches ; quand on n’a rien, on partage ; écoute : avec quatre