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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/127

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M. Caillas était grand et gros ; il en était fier ; il disait :

— La bête noire et moi pesons un hippopotame !

Et il riait quand les gens ignoraient les hippopotames ; la bête noire était le curé.

M. Caillas s’y connaissait en bassets ; pour le reste, il était d’une grande simplicité.

La paysanne cossue qu’avait été Mme Caillas avait acheté en se mariant le nom de dame et le droit de porter chapeau. Même la semaine, elle avait abandonné résille et bonnet, et ses cheveux gris, rudement tirés, se rassemblaient sur son crâne pointu en un chignon assez semblable à une corne de pintade. Elle parlait le moins possible aux ménagères voisines, sauf à une vieille demoiselle à moitié folle, mais pourvue de rentes. Elle était méchante et plus sotte qu’une oie de l’année ; chacun la détestait dans le village ; on ne l’appelait que « la corme », et de fait, elle était astringente comme une poire sauvage.

Mme Caillas n’avait pas amélioré M. Caillas. Sans elle, on aurait encore estimé le greffier, bien qu’il dénonçât les braconniers. On le trouvait bon garçon, « au fond ».

— Au fond seulement ! disaient les gens de peu.

Car il molestait les gens de peu.

Petit devant le maire, petit devant sa femme, petit devant les bourgeois qui lui donnaient droit de chasse, il se faisait très grand devant les humbles. Arrogant, bougon, il était le plus souvent à gifler ; parfois cependant sa grosse jovialité perçait ; il blaguait lourdement les servantes qui avaient fauté.