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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/17

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était là pour les journaux s’approchèrent des soldats. Séverin sonna le réveil en fantaisie. Ses compagnons admiraient. Bressuire ne les intimidait pas. Bressuire ! petite ville sans importance, bonasse et lourdaude comme une paysanne ; garnison de pompiers. On y pouvait sans risques faire du tapage.

Séverin sonna la soupe, la visite, l’appel, le couvre-feu. Tout y passa. En deux temps, très nets, il embouchait l’instrument, puis, la sonnerie finie, il l’éloignait d’un brusque lancé de l’avant-bras. Le petit bossu gambillait de joie.

Séverin recommença le couvre-feu ; le couvre-feu était son succès. Cela débutait par de petites explosions, des sons brefs et durs comme des noyaux ; puis la dernière note s’allongeait infiniment, passait pardessus la ville, allait jusqu’aux coteaux sombres endormis sous la brume, pour revenir en lin tout près et mourir lentement, comme une haleine. À la troisième reprise, il tenta d’allonger encore cette note finale, mais le son qui filait, mince, s’épandit soudain en foirade. Il était à bout de souffle, haletant, congestionné comme un coq en colère, mais glorieux. Il cria :

— En avant, le 237 !

Et il lança la sonnerie du régiment.

Un de ses camarades lui ayant pris le bras, les deux autres se placèrent par derrière et ils partirent du pied gauche en chantant. La petite rue où ils s’engagèrent retentit d’un couplet injurieux à l’égard des Berrichons. Elle était étroite, cette rue, et leurs voix, jointes au bruit du clairon, y éveillaient de terribles sonorités. Des volets s’ouvrirent. Derrière eux, le petit bossu, s’ef-