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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/191

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Elle avait encore les yeux un peu brouillés en entrant chez son gendre. Comme le jour venait à peine par la petite fenêtre, elle ne distingua rien d’abord ; puis elle vit Séverin assis près de la table. Il ne bougeait pas.

— Bonjour ! dit-elle, me voilà.

Il leva la tête et elle vit sa face ravagée et vieillie.

Elle répéta :

— Bonjour, mon gars ! me voilà.

Il répondit :

— Bonjour !

Il ne s’était sans doute pas couché ; il ne semblait pas avoir pleuré. La grand’mère remarqua qu’il avait les gros sourcils méchants du défunt Boiteux.

Comme il ne bougeait toujours pas et comme il ne parlait pas non plus, elle déposa son paquet sur une chaise et, se penchant sur la table, elle mit sa main ridée sur sa main à lui qui était froide.

— Mon pauvre gars, dit-elle doucement, faut pas se faire tant de chagrin ; il y a les enfants : faut pas se laisser abattre. Me voilà, moi ; je vais rester si tu le veux bien. Je demeurerai avec toi ; j’élèverai le petit et je ferai attention aux autres. Parle-moi donc, voyons… tu veux bien que je reste ici ?

Il répondit d’une voix brisée :

— Oui, m’man.

Et comme elle continuait à lui dire des choses douces et tristes, il sentit en lui une émotion nouvelle ; la détente venait enfin et les larmes. Il répondait :

— Oui, m’man… non, m’man… merci, m’man…

Avant le malheur, bien qu’il aimât beaucoup cette