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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/197

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— Oh ! je ne dis pas, Chauvin ; encore une fois, je ne dis pas que je serai mieux ailleurs que chez vous. Jamais vous ne m’entendrez mal parler de la maison, ni de vous, ni de vos gars, qui sont de bons compagnons d’ouvrage ; pour ça, non ! mais j’ai besoin d’argent. Et croyez-vous que le travail ne vaut pas quarante-deux pistoles ?

— Si, mon gars, il les vaut ! Boudre ! Mais, ce qui n’est pas trop pour toi, l’est pour moi ; parce que je crois qu’il faudrait tout de même deux autres valets. Non, je ne peux pas, vois-tu.

La discussion avait été longue ; à la fin, Chauvin avait cédé. Séverin irait dans les choux moyennant quatre cent vingt francs et quatre sillons de pommes de terre à faire dans le champ des Joneries, qui avait deux cent cinquante pas de versaine. C’était un beau gage, un des plus forts du pays, mais ce n’était pas volé ; oh, non !

Il y avait au Pâtis, pour nourrir cinquante têtes de gros bétail, deux immenses champs de choux. L’effeuilleur travaillait dans ces champs du matin au soir, tous les jours, par le vent, la pluie, le givre, la neige.

Dur métier pour ceux dont le sang est un peu refroidi par l’âge ; métier terrible pour ceux qui n’ont pas de vêtements imperméables et qui, trempés jusqu’aux os dès la première heure, grelottent toute la journée dans le vent froid.

Séverin avait effeuillé des choux dans sa jeunesse ; il l’avait fait aussi deux hivers chez Loriot, mais il n’avait jamais passé une saison entière à faire uniquement ce travail.