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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/201

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venue, quelques heures plus tôt, la bande de corbeaux.

Soudain, le soleil s’éteignit tout à fait ; une haleine plus âpre siffla dans les branches noires et toute la campagne en tressaillit. Quand Séverin arriva près de la haie, en haut du champ où les choux protégeaient mal la terre, il remarqua que les mottes étaient encore dures.

— Bon sang ! fit-il, ça ne dégèlera pas ! pourvu qu’il ne vienne pas de neige ! aujourd’hui où il me faut deux charretées, ça ne serait pas amusant.

Ils travaillèrent encore un moment, puis Séverin envoya le petit gars chercher la charrette. À midi, comme ils revenaient au Pâtis, une pluie glacée commença à tomber.

Il fallait ce jour-là deux fortes charretées de fourrage ; aussi, dès que la soupe fut mangée, les valets retournèrent dans le champ. Le temps avait l’air de se gâter encore. La pluie venait de cesser, mais le froid continuait et les choux étaient plus mouillés que le matin, Séverin, malgré son courage et sa diligence, avait grand’peine à se réchauffer. Derrière lui, Fourchette, tous les dix pas, battait des ailes et sa voix enrouée d’adolescent se faisait lamentable.

— J’en crève ! Pâtureau ! j’en crève, moi !

Tout à coup, le garçon jura : comme il venait de lier un fagot, le bout de la riorte s’était brusquement détendu et lui avait déchiré la main. Séverin, redressé à demi, vit les doigts saignants et le jeune homme transi.

— Dépêche-toi ! cria-t-il, ne t’arrête pas ! tu vas geler…