Aller au contenu

Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bernoude ; elle n’était plus bonne à grand’chose. Or, il était question, dans le pays, d’une nouvelle loi qui serait faite pour les anciens dans la misère : on disait qu’ils toucheraient jusqu’à quinze francs par mois. Séverin et Auguste avaient parlé de cela ensemble ; ils avaient compté sur cette petite rente. Mais à présent ? M. Magnon était un gros bonnet ; il connaissait l’évêque, il menait ceux du bureau de bienfaisance. On ne trouverait pas la Bernoude assez pauvre ; l’argent irait à d’autres…

Séverin, sans colère maintenant, roulait en sa tête toutes ces idées tristes. Une lassitude soudaine le courbait. Il piochait toujours du même mouvement régulier, mais il ne pensait plus du tout à son travail.

Le soleil s’en allait derrière les frênes minces de la haie ; de grandes ombres pointues s’allongeaient côte à côte sur la terre. Bien qu’il fût encore tôt pour rentrer, Florentin, impatient de savoir ce que le maître avait dit à la maison, appela le valet et l’attendit à l’échalier. Les deux hommes ayant ramassé leur veste, s’en allèrent, penauds.

Au Pâtis, M. Magnon n’avait trouvé que les femmes. Il avait fait un tapage à tout casser, disant qu’il mettrait Chauvin à la porte à la fin du bail et même plus tôt s’il le pouvait. Quant à Séverin et à Florentin, ils étaient sûrs de leur affaire : les gendarmes allaient être immédiatement prévenus.

Les hommes apprirent tout cela en mangeant. Chauvin blâma son valet et son gars ; puis, quand on lui eut bien expliqué les choses, comme la nuit n’était pas encore venue, il décida d’aller chez le maître.