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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/240

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— Non ! je ne veux pas de soupe au bœuf ; elle sent le suif. Mais si j’avais de la soupe à la poule, je crois que j’en mangerais.

— Eh bien ! ce n’est pas difficile ; je vais aller tout de suite quérir une poule chez la Pitaude ; tu mangeras ta soupe demain.

— Oh non ! pas ce soir…, pas demain…, tu as bien le temps. Quand j’en aurai, je n’en voudrai peut-être plus… Je suis agaçante, dis, papa !

C’était à cause de ce désir de Bas-Bleu que Séverin se trouvait en retard.

Après le repas du soir chez les Bordager, il était passé dans toutes les maisons du village pour trouver une poule. Mais le moment était mal choisi, car les volailles venaient d’être renfermées comme cela se faisait aux Arrolettes à certaines époques de l’année. Toutes les femmes avaient parlé à Séverin comme l’avait déjà fait la Bordagère et Louise, la belle-sœur. Chacune avait dit :

— Je ne tiens point à vendre mes poules qui vont commencer à pondre, mais pour une malade on fait tout ; seulement tu tombes mal ; mes poules viennent d’être renfermées ; elles ne sont point grasses pour la saison ; ce ne sont guère que des carcasses. Si tu veux, je t’en donnerai une tout de même.

Et Séverin avait répondu partout :

— Non ! j’en veux une grasse… je vous remercie… j’enverrai les drôles dans les métairies du Haut-Village.

Il en voulait une grasse… Il ne regardait pas à la dépense maintenant que sa grande fille allait mourir.