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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/31

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peu courbé, comme aux jours de son enfance, quand il rapportait au creux-de-maison le bissac de pain mendié. Une lueur jaunâtre tombée du soleil éteint traînait sur la route. Les prés bas, ayant gardé l’eau des averses précédentes, luisaient vaguement comme des miroirs sales ; et les maisons isolées, les chaumières toutes menues, accroupies sous les arbres, semblaient subir la flétrissure de cette fin de jour avec la résignation de pauvresses négligées.

Arrivé en haut de la butte des Trois-Puits, près du village de Jolimont, Séverin aperçut le rideau de peupliers qui cachait le moulin des Bernou. Il sauta un échalier et prit un chemin de traverse conduisant à la Petite-Rue.

Bernou était justement sur le seuil ; dès qu’il aperçut Séverin, il cria, penché vers l’intérieur de la maison :

— Le voilà ! le voilà, le soldat !

Puis, sans hâte, il s’avança vers l’arrivant.

— Bonjour, garçon ! Comme te voilà fort ! On dirait un homme ! Quelles moustaches ! Venez donc voir, les femmes !

Les femmes embrassèrent tour à tour l’homme aux moustaches. Elles étaient trois : la grand’mère, une petite vieille rose et ratatinée ; la maman Bernou, qui commençait à grisonner, et une autre que Séverin hésita à reconnaître, ce qui les fit bien rire.

— Comment ! tu ne te souviens pas de Fine ?

Si, il se souvenait bien de tout le monde ; mais Fine n’était, à son départ, qu’une gamine, et il était surpris de retrouver une jolie meunière capable à elle seule