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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/59

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font les sottes et les hypocrites, et on n’avait point manqué de lui prêter, à elle aussi, quelques galants. Il est vrai que plus d’un gars aurait voulu l’avoir pour bonne amie, car elle était toute gracieuse. Des fils de gros fermiers même, des gens ayant des champs au soleil, avaient tourné autour d’elle, et l’idée d’un mariage avec cette servante, fille de gens ruinés, était peut-être venue à quelques-uns. Mais, sans dire non tout à fait, elle les avait tous reçus avec son joli rire de malice et ce rire les avait un peu déconcertés.

Par moments, elle s’étonnait elle-même de ses exigences.

Elle était fine, en vérité, de renvoyer de braves garçons dont aucun n’était aussi pauvre qu’elle ! Elle avait vingt-quatre ans ; bientôt elle enlaidirait et devrait se résigner à être toujours, toujours servante. Pourtant, elle ne pouvait pas dire oui ; elle sentait qu’elle ne le dirait jamais. Parfois elle pleurait. Un jour, Pitaud lui dit :

— Si tu veux venir à la foire Saint-Jacques, Delphine, il y aura une place pour toi dans la voiture. C’est une belle occasion pour trouver un amoureux.

— Trouver un amoureux, patron : Faut-il aller à Bressuire, pour cela ?

Elle accepta d’ailleurs et se retourna aussitôt, car elle se sentait devenir très rouge.

Bressuire ! la foire Saint-Jacques ! Tous les jeunes gens des environs s’y rendaient à cette foire. Séverin y avait été vu l’année précédente ; sûrement, il y serait encore cette fois. Séverin ? Eh bien ! oui, Séverin ! Autant se l’avouer à soi-même bien franchement : elle avait