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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/216

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LES GARDIENNES

ce matin. Elle me croit arrivé déjà aux frontières de France.

Il pensa encore, avec amertume :

— Elle dort paisiblement et moi je vais me battre… si je ne reviens pas, elle se consolera vite comme se consolent les autres.

Tout à coup il s’arrêta, recula d’un pas, comme s’il eût donné de la tête contre un obstacle.

La Misangère s’était arrêtée aussi, en même temps et ses mains s’accrochaient au bras de son fils.

Ils demeurèrent quelques instants immobiles, sans souffle… Un Américain sortait du Paridier ! Derrière lui, la porte du corridor se referma silencieusement. L’homme marqua un temps d’hésitation, le corps penché en avant, scrutant la nuit : puis, rapide, il s’éloigna sur la peinte des pieds et disparut au coin des bâtiments.

Cet homme, la Misangère l’avait reconnu : c’était le gradé ami de Solange.

Elle sentit son cœur chavirer ; toutes ses pensées se heurtèrent. Mais cette faiblesse ne dura pas.

Déjà Georges s’élançait ; elle l’arrêta, autant par la fermeté de sa voix que par le poids de ses mains sur son bras.

— Laisse ! dit-elle, d’un ton dédaigneux ; que cette honte ne t’atteigne pas, mon enfant !

Il se retourna ; la figure ravagée.

De toute sa volonté, la Misangère voulut sauver encore l’honneur de la famille ; de toute sa volonté, elle voulut en même temps guérir son enfant, le