Aller au contenu

Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
LES GARDIENNES

là-dessus ; puis, à lents coups de rame, il mena son bateau vers le milieu du canal. Ils s’éloignèrent, serrés l’un contre l’autre. Marguerite souriait, l’âme en fleur parce que Georges, à voix tendre, lui tournait de gentils compliments.

Dans sa cachette, agenouillée derrière la roselière, Francine sentait sa pensée lui échapper ; de ses mains glacées elle se serrait les tempes pour apaiser le bourdonnement qui lui emplissait la tête.

Elle se leva péniblement, marcha au hasard sous les arbres où l’ombre se glissait déjà. Ayant retrouvé son bateau, elle remonta la conche par où elle était venue. Tout cela, comme en un rêve.

Sa rame heurtait les racines, plongeait dans la vase, s’accrochait aux longues herbes et le bateau voyageait d’une berge à l’autre. Des idées menues et vagues erraient comme des floches de brouillard en sa pensée ; des mots puérils sortaient de sa mémoire.

« Chambrière, tu n’auras jamais le coup de pelle d’une maraîchine. »

S’efforçant de temir le milieu de la conche, elle manœuvra sa rame avec application, comme aux jours d’apprentissage où Maxime lui enseignait les bonnes façons.

« À petits coups, chambrière ! à petits coups. »

Ellle dépassa sans y prendre garde la rigole qui menait vers Saint-Jean. De minute en minute, la brume d’eau devenait plus épaisse ; elle s’élevait au-dessus des roseaux, enveloppait les troncs difformes des frênes et montait, le long des peupliers,