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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/66

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LES GARDIENNES

plus guère, sachant bien que cela ne changerait pas les choses. Il avait repris l’habitude de travailler comme à trente ans. Cependant, prenant appui sur sa fille, il osait remontrer à la Misangère combien sa sévérité envers le valet avait été déraisonnable. Antoine parti, comment pourrait-on s’en tirer ?

— Toi qui veux que tout le travail se fasse… et de première… tu renvoies le valet !

À ces radotages, la Misangère ne répondait même pas, gardant ses raisons pour elle seule. Certes elle voulait que le travail se fît, elle voulait conserver la ferme afin de la remettre au gendre en état de prospérité, mais cela ne suffisait pas ! Il fallait encore monter la garde autour des âmes faibles et relever toute lâcheté. C’était en elle une certitude obscure, un besoin primordial et profond, l’instinct des femmes de sens droit grâce à qui les races peuvent durer à l’abri des désordres.

Sa rude vigilance s’étendait à tout.

Elle laissait donc dire le père Claude et jamais il ne soupçonna pour quelle raison elle avait chassé le valet.

Il fallait bien, pourtant, chercher de l’aide, sans quoi les semailles de printemps ne se feraient pas et on serait dans l’impossibilité de nourrir le bétail. Or, à Sérigny, on ne pouvait trouver ni valet, ni journalier ; la Misangère alla à la ville où se tenait, à cette époque de l’année, une foire d’accueillage. Elle faisait le projet de gager un valet selon son goût dont les entreprises galantes ne fussent pas à craindre. Mais elle ne trouva personne : les vieux, les