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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/74

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LES GARDIENNES

En pesant de petits sacs de farine, elle se mit à parler de ses affaires. Elle dit son nom, son âge, l’âge de son frère, la situation de son père ; puis, tout naturellement, elle voulut être renseignée à son tour.

— Nous sommes à peu près du même âge sans doute ? disait-elle… Quel est votre nom ?

— J’aurai vingt ans bientôt… et je m’appelle Francine Riant.

— Francine Riant !… Riant !… Je ne connais personn £ de ce nom-là. De quel pays êtes-vous done ?

— Je suis de l’Assistance, dit Francine, en détournant les yeux pour ne pas voir l’effet habituel de ces malheureuses paroles.

Mais l’autre reprit aussitôt et sa voix demeura cordiale :

— Connaissiez-vous Victor Février ?

— Non !

— C’est qu’il était de Assistance aussi. Il devait se marier dans notre village, mais il a été tué dès les premiers combats. C’est un bien grand malheur ! Tout le monde ici l’a regretté…

Elle ne semblait point faire de différence entre une personne ordinaire et un pauvre de l’Assistance.

Francine se sentit le cœur plus léger. Elle s’était tenue, jusqu’à présent, peureusement sur le bord d’une chaise, son paquet sur ses genoux ; elle posa ce paquet sur la table, puis elle se carra, croisa les jambes. Elle riait tout haut sans savoir pourquoi.

Tout à coup, elle se leva et dit à l’autre qui, un