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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/96

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LES GARDIENNES

Marguerite parlait. Elle aimait à conter les incidents de la semaine, les démêlés de Lucien avec son grand mauvais cheval, les difficultés qui venaient des clients grincheux ou des agents vérificateurs. Elle avait reçu une lettre sur grand papier par laquelle le préfet du département félicitait « Mlle Marguerite et M. Lucien Ravisé d’avoir assuré, malgré leur jeune âge et des difficultés sans nombre, le ravitaillement en pain du village de Sérigny et des hameaux voisins. » Marguerite, avec une fierté ingénue, montrait souvent cette lettre, et le nom du préfet attentif et juste lui emplissait la bouche. Francine, en personne avertie, faisait observer que les préfets sont des hommes comme les autres et non pas toujours des plus beaux ; elle en avait vu plusieurs à l’Hospice ; le portrait qu’elle en donnait faisait rire Marguerite.

Souvent, celle-ci parlait de Georges Misanger ; elle en parlait longuement, et l’autre, volontiers, écoutait où même questionnait.

— Alors, il travaillait à la boulangerie ?… depuis combien de temps ?

— Îl est entré chez nous lorsque ses parents ont quitté leur ferme. C’est que le métier lui plaisait… Dès sa jeunesse, il venail ici presque chaque jour. Son grand plaisir était de faire les tournées avec notre porte-pain ; les tournées du Marais, surtout… pour conduire un bateau il n’en craignait pas un… Mon frère, lui, n’aime pas trop le travail de boulangerie ; il a dû s’y mettre, mais ses goûts le portent d’un autre côté. Mon père avait décidé de