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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/18

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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

il demeurait encore d’une effrayante nouveauté.

Et Harrisson se comparait à quelque aventureux coureur des âges primitifs, quittant la horde pour pénétrer seul, toujours plus avant, dans le mystère d’une forêt inconnue. La forêt était sans bornes, peuplée de formes inimaginables et d’une mobilité telle que les images glissantes d’un rêve saugrenu eussent paru, en regard, choses stables, nettes, admissibles. Royaume de folie, plein de l’immense tremblement des chimères.

La folie ! Un savant des siècles précédents et même, à l’heure présente, un penseur trop habitué aux vieilles règles en eussent peut-être senti le vent sur leur face. Mais lui, Harrisson, regardait, sans trouble, chavirer les idoles, s’évanouir les systèmes qui, depuis des siècles, formaient les assises de l’esprit humain.

Il observait, mesurait, comptait ; il notait d’effarants résultats, et il levait les épaules quand un philosophe, du haut de son ignorance, l’accusait de rajeunir simplement de vieilles utopies, de propager des absurdités élémentaires.

Une joie virile lui gonfla la poitrine : ses recherches, une fois de plus, venaient d’aboutir. Non point à un résultat définitif comme il n’en existe que dans l’esprit des ignorants et des poètes, mais à un résultat qui compterait néanmoins dans l’histoire des tâtonnements humains.

Par lui, une nouvelle conjonction de forces s’était opérée. Il venait de faire ce qu’aucun homme n’avait jamais fait. Une fois de plus, pendant une brève minute, en un point singulier, il venait véritablement de créer.

Comment cette découverte serait-elle accueillie ? Il y avait là un fait étrangement nouveau, un fait déconcertant, anarchique. Sans doute, une résistance