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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/209

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LA MÊLÉE

accrochés à ses épaules. Elle atteignit le laboratoire. Sur la table d’expériences, presque à portée de sa main, une arme avait été installée par Harrisson, un pistolet lance-foudre braqué sur l’entrée du vestibule. Le salut peut-être !… Déjà elle allongeait le bras… Mais elle sentit des ongles s’enfoncer plus avant dans sa chair ; elle perdit le souffle, trébucha… La grappe humaine roula sur le parquet.

Les aveugles arrivaient. Les premiers, poussés par ceux qui suivaient, tombaient à leur tour. Lygie étouffait, foulée aux pieds, la gorge serrée dans un étau, un poids énorme sur la poitrine.

Les aveugles criaient :

— Vengeance ! Vengeance !

Un homme au visage sanglant, un géant que secouait le rire atroce des intoxiqués, avait trouvé sous sa main un lourd pilon d’acier. Il fit un moulinet au-dessus de sa tête et se mit à frapper au hasard.

Les hurlements de douleur et de rage redoublèrent. Soudain, Sylvia se tut, le crâne ouvert. Lygie, à demi morte, sentit vaguement se desserrer l’étreinte des doigts féroces. Elle ne souffrait presque plus. Le sang de Sylvia coulait sur son visage ; elle détourna la tête, râlant. Ses lèvres s’ouvrirent ; un peu d’air entra dans sa poitrine défoncée, un peu de vie… Et alors, une immense douleur se réveilla, un flot noir, horrible, submergea son âme : devant ses yeux révulsés, l’éclair du pilon avait jailli ! Le grand barbare aveugle faisait voler en éclats les cloches de sûreté et brisait les isolateurs ! Le système 13 envahissait le monde… Les destinées humaines allaient être accomplies. C’était la fin de toute joie comme de toute souffrance, le malheur irrémédiable… la mort !