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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/219

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UNE GENÊSE

nières familles se dissociaient ; les derniers enfants, même jeunes ou infirmes, étaient fréquemment abandonnés par leurs parents. Des groupes éphémères se formaient parfois, mais c’étaient des désespérés qui se rassemblaient pour mourir, ou encore des malades qu’un instinct diabolique poussait à s’unir et à voyager afin de contaminer les autres.

Il arrivait souvent que le souci de conservation individuelle perdît sa force. Nombreux étaient ceux qui se suicidaient ; plus nombreux encore ceux qui se traînaient misérablement, lâchement, incapables d’assurer leur propre subsistance au milieu de la région la plus prospère.

L’intelligence rétrogradait. Les idées étaient plates, grises, confuses. Une sorte d’hébétude se constatait chez tous, une imbécillité homogène avec, parfois, des crises d’effervescence désordonnée. Ces crises confinaient souvent à la folie ; chez les moins déséquilibrés, elles constituaient toujours un état morbide, une révolte fiévreuse, le dernier jaillissement d’une flamme sur le point de s’éteindre. Cette activité momentanée et anormale de l’esprit s’exerçait ordinairement dans un sens maléfique ; les excités dressaient des plans de destruction, s’ingéniaient à découvrir des méthodes de vandalisme efficaces et rapides.

Quelques savants essayaient, de temps en temps, de reprendre pied et cherchaient le remède sauveur. L’idée d’une réussite inconcevable, miraculeuse, les soutenaient alors, et ils étaient presque heureux. Mais la plupart d’entre eux ne pouvaient garder longtemps cette attitude ; au bout de quelques jours, ils abandonnaient tout.

Chez les humbles, cette foi intermittente au miracle apparaissait plus rarement. Il arrivait