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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/22

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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

hydro-électriques avaient disparu. Du moins, il n’en restait plus que de rares vestiges, sauvés par la piété des archéologues : pans de murs envahis par le lierre, turbines, dynamos rongées par les oxydes ; une machinerie compliquée, puérile et charmante que les poètes, à court d’inspiration, chantaient inlassablement. La rivière coulait librement entre des peupliers à fleurs et des saules améliorés dont les chatons énormes fournissaient un parfum inimitable, fort recherché par les élégantes.

Devant le beau paysage calme, Harrisson rêvait. Un bruit grandissant lui fit lever les yeux. Parmi de rapides et silencieux avions, deux antiques aérobus, dont la silhouette rappelait vaguement celle des oiseaux, glissaient bas sous un plafond de nuages. On entendait, sur le premier, le tac-tac d’un propulseur électrique ; le second, plus ancien encore et qu’on eût pu croire sorti d’un musée historique, progressait grâce à un moteur à explosions dont le ronflement emplissait l’espace. Derrière les deux aérobus flottaient des banderoles lumineuses.

Soudain, comme ils passaient sur la vallée, ils lâchèrent des bombes d’artifice qui éclatèrent avec un bruit mou ; une pluie de feu multicolore tomba.

Avérine, à son tour, avait levé la tête.

— Qu’est ceci ? demanda-t-il.

Harrisson s’approcha.

— Maître, ce sont, je pense, des étudiants en goguette… d’insouciants casse-cou qui ont déniché, je ne sais où, ces hasardeuses guimbardes, afin d’ahurir les gens paisibles… J’ai fait pis, jadis !…

Le vieillard eut un sourire indulgent.

Harrisson, tout en parlant, avait appuyé sur un bouton et tourné vers lui le pavillon d’un écouteur. Le bruit des moteurs fut assourdissant, puis il cessa tout à coup : les deux aérobus planaient