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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/227

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UNE GENÊSE

chiens venaient flairer les deux enfants, des chiens maigres et hardis dont les yeux s’allumaient dans l’obscurité devant cette chair vivante. Samuel et Flore, qui avaient l’oreille fine et le sommeil léger, se dressaient alors, pleins de frayeur. Les chiens, à l’ordinaire, reculaient en grondant. Quelquefois, au contraire, ils venaient, l’échine humble, se couler aux pieds des tremblantes créatures verticales. Mais les deux enfants refusaient l’alliance ; ils grimpaient aux arbres, et, le jour venu, de la voix et du geste, ils chassaient les chiens.

Leur intelligence se développait lentement. Le langage rudimentaire qu’ils tenaient de leurs maîtres s’était plutôt simplifié, et ils demeuraient encore incapables de raisonnement véritable. Cependant, ils faisaient certaines comparaisons fort utiles. La nécessité les rendait ingénieux et adroits. Comme leurs habits s’en allaient par lambeaux et ne suffisaient plus à les protéger contre la fraîcheur des nuits, ils en recueillirent d’autres, des fourrures chaudes et légères qui traînaient aux abords des maisons détruites. Le rouet de Samuel n’avait d’abord servi qu’à leur amusement ; peu à peu, ils apprirent à utiliser les vertus du feu. La flamme fut leur amie qui ranimait leurs membres engourdis et donnait aux fruits une saveur nouvelle. Créer le feu et le nourrir devint une de leurs occupations principales. Il leur arrivait souvent de se passer du rouet allumeur. Harrisson, lorsqu’il étudiait leurs gestes, leur avait appris à tirer le feu des pierres et de certaines branches sèches, et Samuel était devenu, à ce jeu, d’une étonnante habileté.

Les premiers froids de l’hiver les surprirent dans la région des terres hautes. Un vent blessant les chassa, ainsi que de nombreuses bêtes, dans la direc-