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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/33

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HARRISSON LE CRÉATEUR

vations ; en période de paix, bien que la rusticité diminuât et que des besoins nouveaux et artificiels se fissent jour, une certaine aisance économique était à la portée de tous. L’humanité évoluait par saccades vers un avenir de bonheur pratique et moyen. Et la moralité individuelle semblait aussi, chez les races supérieures, légèrement grandir.

Au vingt-deuxième siècle, dans les vieux pays d’Europe et d’Amérique, là où, malgré le mélange des races, les hommes blancs dominaient encore, un ordre nouveau avait fini par s’établir. Nul n’eût osé y afficher un chauvinisme agressif ou prôner hargneusement la lutte des classes. À défaut de chaude sympathie entre les différents groupements d’hommes, l’instinct de conservation amortissait les chocs, poussait à la tolérance, aux concessions réciproques. D’ailleurs, si l’égalité n’existait nulle part, en fait, entre les individus ou entre les États, les apparences, du moins, étaient à peu près sauves. L’humanité de race blanche formait une vaste fédération de républiques égalitaires à intérêts communs et à tendances conciliantes.

En face, se dressait le bloc inquiétant des peuples jaunes. Ceux-ci, la science, comme le coup de baguette d’une fée, les avait tirés d’un long engourdissement. Le réveil avait été prodigieux. Leurs savants égalaient en réputation les savants d’Europe et d’Amérique ; leurs industriels, leurs commerçants, leurs banquiers envahissaient tous les marchés du globe ; en même temps, une renaissance artistique sans précédent coïncidait chez eux avec une dépravation morale qui étonnait le vieux monde.

Venus trop vite à la civilisation scientifique, travaillés d’ailleurs par de puissantes associations xénophobes, ces peuples audacieux et brouillons fai-