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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/69

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HARRISSON LE CRÉATEUR

vives, des bourgeons grossissaient, éclataient ; on voyait, pendant quelques minutes, palpiter des corolles follement exubérantes qui pâlissaient bientôt et s’inclinaient pour mourir.

Le premier service fut un service rose. Rose la lumière des rampes phosphorescentes, rose la luminosité sourde des tables, roses les coupes, rose le vin de myrtille, rose la jonchée de fleurs. Une musique légère, agreste, tombait comme une pluie cristalline. Et le bruit des voix était léger aussi, tintant et clair. Les convives prenaient contact. Toutes les races et toutes les conditions étaient représentées là. Le costume masculin présentait une diversité remarquable. Signe des temps… Un demi-siècle plus tôt, la tenue de voyage ou de cérémonie ne variait guère d’un continent à l’autre. Maintenant chaque peuple s’efforçait, au contraire, vers les particularités typiques. Les Jaunes avaient des blouses flottantes à larges manches, les Noirs des tuniques aux couleurs violentes. Le poète Lahorie, d’origine arabe, se drapait dans un grand burnous de soie artificielle rouge. Les femmes échappaient moins facilement que les hommes à la mode mondiale. Quelques-unes, parmi les jeunes de race blanche, risquaient les cheveux longs. Mais toutes portaient la robe brochée de métal, montant haut du côté gauche et laissant nu le côté droit jusqu’au niveau de la ceinture. Et toutes, également, avaient le front et les cheveux teints en vert foncé.

Le hasard avait placé Harrisson non loin de Lygie Rod. Il s’étonnait de la trouver là, elle si ennemie des réunions de ce genre ; l’examinant à la dérobée, il s’étonnait aussi de la voir animée et parée comme une mondaine.