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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/92

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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

engourdis par cinq siècles de rude discipline, n’étaient pas tout à fait mûrs, encore, pour les grandes aventures. Une fois de plus, la prudence supérieure s’imposait, refoulait les passions discordantes, tassait, unifiait.

Le procès continua dans les formes légales. La défense, fort habilement, eut recours à de hauts témoignages. Elle fit citer des philosophes acquis aux idées modernes, des hommes dont la bonne foi ne pouvait être mise en doute. Sur un ton de grande modération, ils faisaient une critique impitoyable de l’organisation universelle.

Après leur intervention, un nouveau secours inattendu vint à la défense : le poète Lahorie demanda à être entendu. Lahorie était retombé sous le joug de la danseuse Sylvia. Celle-ci, cruellement blessée par le mépris de Harrisson, s’était juré d’en tirer vengeance, et, de cette vengeance, le vaniteux poète se faisait le docile instrument.

Il se présenta donc en personne devant le tribunal afin d’apporter au physicien inculpé le témoignage de sa sympathie. Par quel enchaînement de circonstances le jeune savant se trouvait-il aujourd’hui devant les juges ? Son premier et grand crime — impardonnable aux yeux de certains — avait été, disait Lahorie, de se classer parmi les meilleurs élèves d’Avérine. Son enthousiasme juvénile, sa renommée naissante, ses succès faisaient ombrage ; un confrère, grand porteur de reliques et qui édifiait sa propre gloire avec les travaux des autres, l’avait fait chasser de l’institut de l’éther. Aigri, ne pouvant travailler que dans des conditions difficiles, le jeune savant s’était tourné vers le peuple. S’il y avait un physicien coupable en cette affaire, il n’était pas devant les juges ; il fallait le chercher parmi les